Alexandre Zinoviev (1922-2006).

Esquisse biographique.

Alexandre Zinoviev est né le   29   octobre   1922   dans le village de Pakhtino, dans l'oblast de Kostroma   ( URSS ). C'est le sixième enfant d'Alexandre Iakovlevitch, peintre en bâtiment, et d'Appolinaria Vassilievna, paysanne. À la recherche d'une vie meilleure, la famille Zinoviev déménage à   Moscou . À l'école du village, tout comme plus tard à celle de Moscou, Alexandre faisait preuve de grandes capacités. En   1939 , il finit l'école avec une mention et entre à l' Institut de philosophie, littérature et histoire de Moscou   (MIFLI). Ses activités clandestines de critique de la construction du   socialisme   conduisent à son expulsion du MIFLI, puis à son arrestation. Il s'évade et, après une année d'errance à travers le pays sous divers noms d'emprunts, il finit par s'enrôler volontairement dans l'Armée rouge   en   1940   pour échapper aux recherches. Il prend part à la   Seconde Guerre mondiale en tant que fantassin, tankiste puis enfin aviateur. Il effectue 31 sorties de combat et est décoré de l' ordre de l'Étoile rouge .

Démobilisé, Alexandre Zinoviev entre à la faculté de philosophie de l' Université d'État de Moscou   en   1946 . En   1951 , il obtient son diplôme avec mention et commence une thèse. Il est l'un des fondateurs du cercle de logique de Moscou (à partir de   1952 , entrèrent également dans ce cercle   Boris Grouchine ,   Merab Mamardashvili   et G. P. Chtchedrovitski ). En   1954   il soutient sa thèse de doctorat sur le thème de la logique dans   Le Capital   de   Karl Marx . En   1955 , il devient collaborateur scientifique de l' Institut de philosophie de l'Académie des sciences d'URSS. En 1960, il soutint sa thèse d'habilitation et reçut le titre de professeur et de directeur de la chaire de logique de   Université d'État de Moscou. Il écrivit de nombreux livres et articles scientifiques de renommée internationale (ses œuvres majeures ayant toutes été traduites à destination de l' Occident ). Il est souvent invité à des conférences à l'étranger, mais décline toutes ces invitations.

Zinoviev est démis de ses charges de professeur et de directeur de la chaire de logique pour avoir refusé de renvoyer deux enseignants. Il commence alors à produire des écrits autres que scientifiques qu'il fait passer à l'Ouest. En   1976 , ces écrits sont rassemblés dans   Les Hauteurs béantes   (jeu de mot russe renvoyant aux « hauteurs radieuses » promises par le régime soviétique). C'est un essai mettant en scène des personnages-types, au ton résolument ironique, qui décrit la vie quotidienne en Union soviétique. Ce livre est jugé « antisoviétique » pour non-respect des normes idéologiques, et Zinoviev se voit retirer titres scientifiques et décorations militaires avant d'être renvoyé de son institut. Les organes de sécurité, selon lui, lui proposent l'alternative entre la prison et l'exil. Il choisit l'exil. Ce livre a été publié en français aux éditions   L'Âge d'Homme   en 1977 et a reçu le Prix européen de l'essai Charles Veillon la même année.

Il trouva refuge avec sa femme Olga et sa plus jeune fille Polina à Munich, en   Allemagne, où il accomplit diverses tâches scientifiques ou littéraires, sans obtenir de poste fixe.

En   1999, il retourne en   Russie, révolté par la participation de la   France et de l'Europe occidentale aux opérations de l' OTAN   contre la   Serbie  : « L'agression de l'OTAN contre la Serbie est le début de cette guerre-là. Je suis frappé, abasourdi par la réaction que l'on a eue en France et en Europe occidentale face à cette guerre. Les Français doivent bien comprendre qu'en approuvant cette agression, ils commettent un acte de suicide historique. » Mais, il veut surtout partager, là-bas, le même sort que subissait le peuple   yougoslave, sort qui allait bientôt toucher le peuple russe, selon lui.

En Russie, à travers son article "Quand a vécu Aristote ?" , il adopte la théorie de la   Nouvelle Chronologie (Fomenko)   dans le sens où il proclame que l'histoire, ses récits, ses écrits ont toujours été de tout temps détournés, effacés, falsifiés au profit d'un vainqueur.

Alexandre Zinoviev est décédé le   10   mai   2006 . Il est inhumé à Moscou.

Œuvre littéraire

Alexandre Zinoviev a écrit une vingtaine de romans au style acerbe et satirique, dont la somme constitue une analyse anti-conformiste des différentes réalités sociologiques de son temps, en premier lieu la vie en régime   communiste .

Découvert en Occident grâce à la publication des   Hauteurs béantes en   Suisse   en 1976, il débuta une carrière d'écrivain paria, censuré dans son pays. Ses romans décrivent, à travers d'innombrables anecdotes et historiettes caustiques, la réalité de la vie en régime communiste de la stagnation   brejnévienne   à la   perestroïka gorbatchévienne . À travers ses romans, il prétend à une étude sociologique en profondeur de la société communiste qui, juge-t-il, ne peut être réalisée que par une observation méthodologique de la vie quotidienne à toutes les échelles d'organisation de la société, des plus élémentaires relations de voisinage jusqu'aux plus hautes arcanes du pouvoir.

Il s'insurge contre la   soviétologie   occidentale, qu'il décrit comme obsédée par de prétendus "secrets du   Kremlin " qui seraient capables d'expliquer le régime communiste dans son ensemble. Il dénonce une vision idéologique et non scientifique de la part d'historiens disposant pourtant maintenant de connaissances factuelles très importantes. Selon lui, même des phénomènes historiques extrêmes comme la période   stalinienne   ne sont que la manifestation de puissants processus historiques sous-jacents, et il est historiquement absurde de réduire l'URSS à ses plus marquants méfaits (ou bienfaits). Cette position peut être rapprochée de celle de l'historien français Emmanuel Todd , qui se démarqua des procédés de la soviétologie occidentale dans son livre   La Chute finale   (1976), ou par les nombreux auteurs anglo-saxons de l'école dite "révisionniste", par exemple, Lewin , Carr ou Deutscher .

Dans les années suivant la disparition de l'URSS, Alexandre Zinoviev a dénoncé le totalitarisme qu'engendreraient, selon lui, l'Occident et la mondialisation . Il a développé une violente critique du monde postsoviétique, allant jusqu'à déclarer que, s'il ne reniait pas ses critiques envers le régime précédent, il les aurait cependant tues s'il avait pu prévoir ce qu'il adviendrait après sa chute. Ce qui l'a amené, notamment, à soutenir le   Parti communiste de la Fédération de Russie   lors de l'élection présidentielle de 1996.

 

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