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Ecoutes : le complot de Sarkozy contre ces «bâtards» de juges

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En taule les deux pourris!

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L'ACTUALITÉ

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Fabrice Arfi et Karl Laske

18/03/14  

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Ecoutes : le complot de Sarkozy contre ces «bâtards» de juges

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Ce sont les mots d'un ancien président de la République pris la main dans le sac. Parlant sur des téléphones portables qu'ils croyaient sûrs, Nicolas Sarkozy et son avocat, Me Thierry Herzog, ont orchestré en ce début d'année un véritable complot contre l'institution judiciaire pour échapper aux juges et en tromper d'autres. Le nouveau procureur financier n'avait pas d'autre choix que d'ouvrir une information judicaire pour « trafic d'influence », mais les faits vont bien au-delà. C'est un nouveau scandale d'Etat dont il s‘agit.


Mediapart a eu accès à la synthèse des retranscriptions de sept écoutes judiciaires sur la seconde ligne téléphonique de l'ancien président, ouverte sous la fausse identité de “Paul Bismuth”. Dans une dérive à peine croyable, Nicolas Sarkozy est allé jusqu'à mettre en scène avec son conseil de fausses discussions sur sa ligne officielle pour « donner l'impression d'avoir une conversation ».


Du 28 janvier au 11 février derniers, Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog ont tenté d'entraver méthodiquement le cours de la justice dans l'affaire des financements libyens et celle de ses agendas présidentiels saisis dans le dossier Bettencourt. Leurs conversations font état de l'intervention du haut magistrat de la Cour de cassation Gilbert Azibert auprès de trois conseillers chargés d'examiner la validité des actes d'instruction l'affaire Bettencourt. En échange, l'ancien président a promis au magistrat son soutien pour un poste à Monaco, comme Le Monde l'avait révélé. Les juges qui ont mené l'enquête Bettencourt sont désignés, dans ces échanges, comme les « bâtards de Bordeaux ».


Averti d'une possible perquisition dans ses bureaux dans l'affaire libyenne, Nicolas Sarkozy demande aussi à son avocat « d'appeler son correspondant », manifestement un haut fonctionnaire bien placé dans la chaîne judiciaire, « parce qu'ils sont obligés de passer par lui », précise l'écoute.


La police, chargée de la retranscription de ces écoutes, va d'ailleurs conclure que les échanges interceptés laissent présumer des « faits de violation du secret professionnel » dans l'affaire libyenne et de « corruption d'un magistrat de la Cour de cassation » dans l'affaire Bettencourt.


Pour ce qui est du dossier Kadhafi, les policiers ont compris que Nicolas Sarkozy avait été alerté de son placement sur écoutes, ce qui avait déclenché l'achat à Nice de nouveaux portables sous de fausses identités.


La première conversation qui attire l'attention des policiers a lieu le mardi 28 janvier, à 12h24. Me Thierry Herzog informe Nicolas Sarkozy de la teneur du mémoire du rapporteur de la Cour de cassation dans l'affaire de ses agendas, saisis par les juges de Bordeaux. L'enjeu est de taille : l'ancien président veut obtenir l'annulation de cette saisie pour empêcher que ces documents, déjà versés dans l'affaire Tapie, soient utilisés par la justice dans d'autres affaires qui le menacent, comme l'affaire libyenne. Thierry Herzog se montre optimiste. Il pense que les réquisitions du parquet général lui seront favorables. Nicolas Sarkozy lui demande si « notre ami » — le magistrat Gilbert Azibert — a des informations discordantes. Herzog lui dit que non.


Le lendemain, mercredi 29 janvier, nouvel appel. Il est 19h25. L'avocat de l'ancien président informe son client qu'il vient de parler à « Gilbert ». Ce dernier lui a suggéré de ne pas faire attention au contenu « volontairement neutre » du mémoire du rapporteur dans l'affaire des agendas. Le rapporteur, est selon « Gilbert », en réalité favorable à l'annulation. La taupe de Nicolas Sarkozy à la Cour de cassation a prévenu que les réquisitions de l'avocat général seraient quant à elles communiquées le plus tard possible, mais qu'elles allaient conclure à l'annulation de la saisie des agendas présidentiels. Selon l'écoute, « Gilbert » a déjeuné avec l'avocat général. Me Herzog se félicite du dévouement de son informateur : il a « bossé », dit-il à Nicolas Sarkozy. Et la Cour de cassation devrait suivre les réquisitions, « sauf si le droit finit par l'emporter », commente-t-il, dans un aveu stupéfiant.


Jeudi 30 janvier, à 20h40, les réquisitions arrivent plus vite que prévu. Thierry Herzog en donne lecture à Nicolas Sarkozy. L'avocat précise avoir eu « Gilbert » le matin, qui lui a confié que la chambre de la Cour de cassation devrait d'après lui suivre les réquisitions. L'écoute laisse apparaître que « Gilbert » a eu accès à l'avis confidentiel du rapporteur à ses collègues qui ne doit pas être publié. Cet avis conclut également à l'annulation de la saisie des agendas et au retrait de toutes les mentions relatives à ces documents dans l'enquête Bettencourt. « Ce qui va faire du boulot à ces bâtards de Bordeaux », commente Herzog, en parlant des juges qui avaient mis en examen Nicolas Sarkozy. L'avocat précise à l'ancien président que l'avis de l'avocat général leur a été communiqué à titre exceptionnel et qu'il ne faut rien en dire pour le moment.


Samedi 1er février, 11h 22. Nicolas Sarkozy s'inquiète. Il a été informé par une source non désignée d'un projet de perquisition de ses bureaux par les juges qui instruisent sa plainte contre Mediapart dans l'affaire libyenne. L'ancien président demande alors à son avocat « de prendre contact avec nos amis pour qu'ils soient attentifs ». « On ne sait jamais », ajoute Nicolas Sarkozy. L'avocat n'y croit pas, mais, précise-t-il, « je vais quand même appeler mon correspondant ce matin (…) parce qu'ils sont obligés de passer par lui ». Ce qui semble désigner une taupe active de Nicolas Sarkozy dans les rouages de l'Etat. Nicolas Sarkozy se montre inquiet quant à la façon de consulter la source. Thierry Herzog le rassure, lui indiquant qu'il a « un discours avec lui qui est prêt », c'est-à-dire un message codé pour communiquer. « Il comprend tout de suite de quoi on parle ».


Le même jour, vingt minutes plus tard, à 11h46. Nicolas Sarkozy rappelle son avocat. Les policiers surprennent une mise en scène à peine croyable. L'ancien chef de l'Etat français demande à son avocat de l'appeler sur sa ligne officielle, pour « qu'on ait l'impression d'avoir une conversation ». Thierry Herzog lui demande alors de quoi il faut parler. Nicolas Sarkozy lui propose d'échanger autour des débats de la Cour de cassation. Herzog suggère de le faire « sans triomphalisme », de dire qu'ils ont les réquisitions de l'avocat général et de préciser aussi qu'ils ne vont pas les divulguer, parce que ce n'est pas leur genre. Nicolas Sarkozy l'interrompt pour lui demander si « les juges qui écoutent » disposent de ces réquisitions. Et comme l'avocat lui dit que non, Nicolas Sarkozy conclut que « ce n'est pas la peine de les informer ». Herzog propose aussi à son client de faire semblant de l'interroger sur la plainte qu'il a déposée contre Mediapart. Il lui dit qu'il l'appelle aussitôt sur sa ligne officielle : « Ça fait plus naturel ».


Mercredi 5 février à 9 h 42. Retour à l'affaire Bettencourt. Thierry Herzog a une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy. Il vient d'avoir « Gilbert ». Le haut magistrat a rendez-vous le jour même « avec un des conseillers » en charge de l'affaire des agendas « pour bien lui expliquer ». « Gilbert » se dit optimiste et a demandé à Thierry Herzog de le dire à l'ancien président. L'avocat lui dit que ce n'est pas pratique pour le moment, mais il lui promet que Nicolas Sarkozy va le recevoir, car il sait « parfaitement » tout ce qu'il fait pour lui. Gilbert Azibert a évoqué avec Thierry Herzog son souhait d'être nommé à un poste à Monaco. D'après l'écoute, Nicolas Sarkozy se dit prêt à l'aider. Herzog avait d'ailleurs rassuré par avance « Gilbert » à ce sujet : « Tu rigoles, avec ce que tu fais… »


Une semaine plus tard, le mardi 11 février. Il est tard, 22h 11. Thierry Herzog, qui vient d'avoir « Gilbert » au téléphone, annonce à Nicolas Sarkozy que le haut magistrat « ira à la chasse demain ». Gilbert a fait savoir qu'il avait rencontré la veille pour eux un conseiller à la cour de cassation, et qu'il s'apprêtait à en voir « un troisième », avant que les juges ne délibèrent, le lendemain, dans l'après-midi.


Ces multiples manœuvres frauduleuses n'ont pas empêché Nicolas Sarkozy de perdre sur toute la ligne. Non seulement la saisie de ses agendas n'a pas été annulée (de justesse), mais l'écoute de sa ligne téléphonique secrète a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire pour « trafic d'influence » le 26 février.

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Notes :

Un ambassadeur évoque les financements libyens de Sarkozy


L'ex-ambassadeur de France en Libye François Gouyette, aujourd'hui en poste à Tunis, a été entendu fin janvier par les juges. Le diplomate a déclaré qu'un de ses contacts libyens lui avait confirmé, en 2011, « qu'il y avait eu effectivement un financement de la campagne présidentielle de M. Sarkozy ».


Le diplomate s'est montré discret, mais il a laissé une petite bombe à retardement chez les juges d'instruction. François Gouyette, actuel ambassadeur de France en Tunisie, a été entendu le 31 janvier par les juges Emmanuelle Legrand et René Cros, chargés d'instruire la plainte de Nicolas Sarkozy contre Mediapart dans l'affaire libyenne. Ambassadeur de France en Libye de janvier 2008 à février 2011, M. Gouyette a été interrogé sur le document libyen mentionnant un feu vert des autorités en faveur d'un financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, document publié par Mediapart en 2012.


Le diplomate a déclaré avoir questionné, en 2011, deux interlocuteurs libyens qui lui ont confirmé l'existence d'un financement en faveur de Sarkozy. Le premier est un dignitaire dont il n'a pas souhaité « mentionner l'identité » pour empêcher que « cela n'ait des conséquences négatives pour lui ». Le second est le traducteur officiel de Mouammar Kadhafi, Moftah Missouri, qui a depuis publiquement confirmé l'authenticité du document révélé par Mediapart.


L'ambassadeur de France a questionné ses contacts « après avoir entendu les déclarations de Saif al-Islam, le 22 février 2011 ». « Avant de quitter la Libye, j'ai eu une conversation avec un contact libyen ayant appartenu au cercle rapproché de Kadhafi, auquel il n'appartenait plus à ce moment-là, a expliqué François Gouyette, et je lui ai donc posé la question de savoir (…) s'il avait entendu parler de ce financement dont faisait état Saif al-Islam, et cette personne m'a dit que c'était une chose connue parmi les proches du pouvoir libyen, et qu'il y avait eu effectivement un financement de la campagne présidentielle de M. Sarkozy. »


La source de l'ambassadeur de France n'a pas donné de précisions « ni sur les montants, ni sur les modalités », a fait savoir aux juges le diplomate. Reste que cette source diplomatique risque d'attirer très vite l'attention des juges Serge Tournaire et René Grouman, chargés d'enquêter sur le fond des faits.


À la fin de l'année 2011, François Gouyette a posé la même question à Moftah Missouri : « Il m'a indiqué qu'à sa connaissance, il y avait bien eu financement, que de l'argent avait été versé par la Libye. » Questionné en 2013 par les journalistes de l'émission Complément d'enquête (France 2), Missouri avait précisé que le régime libyen avait versé « une vingtaine de millions de dollars » à Nicolas Sarkozy, pour sa campagne électorale. « Kadhafi m'a dit à moi verbalement que la Libye avait versé une vingtaine de millions de dollars, a déclaré l'interprète. Normalement, chez nous à la présidence, quand on donne de l'argent à quelqu'un, il n'y a pas un transfert bancaire, il n'y a pas de chèque, c'est de l'argent liquide dans des mallettes. »


M. Missouri avait aussi commenté le document publié par Mediapart, précisant qu'il s'agissait du « document de projet, d'appui ou de soutien financier à la campagne présidentielle du président Sarkozy », en concluant : « C'est un vrai document. »


Le 4 décembre 2013, le réalisateur de Complément d'enquête, Romain Verley, a confirmé aux policiers les dires de Missouri : « Il a authentifié le document, a déclaré M. Verley. Il a confirmé qu'il s'agissait d'un projet de financement. Il nous l'a dit de manière très affirmative. Il a relu le document en arabe, il l'a retraduit et a confirmé la véracité de ce dernier. » Questionné sur les vérifications de France 2 concernant le document, M. Verley a précisé avoir « pris attache avec plusieurs (de nos) sources afin de vérifier si le document était ou non authentique ». « Toutes nos sources ont confirmé l'authenticité du document », a conclu le réalisateur.


L'ambassadeur François Gouyette a aussi été prié par les juges de livrer son avis sur le document et sa traduction. Au moment de sa publication, son « impression » avait été « qu'il pouvait s'agir d'un document authentique », relate le diplomate, en rappelant qu'un faux document sur la part de pétrole réservée à la France en cas de victoire du CNT avait circulé quelques mois plus tôt.


« Lorsqu'on a été amené, comme c'est mon cas pendant trois ans, à voir des documents officiels libyens, cette note à première vue donne les apparences d'un document libyen, en précisant que les en-têtes n'apparaissent pas, ce qui me paraît curieux, a déclaré aux juges M. Gouyette. En ce qui concerne la typographie du document, il n'y a rien de particulier, cela correspond aux documents que l'on voyait circuler provenant par exemple du ministre des affaires étrangères libyen. »  


Parfait arabophone, le diplomate, qui avait déjà occupé le poste de deuxième secrétaire de l'ambassade à Tripoli dans les années 80, a aussi été questionné par les juges sur la rédaction du texte. « Au sujet de la langue, il s'agit à l'évidence d'un texte écrit directement en arabe par un arabophone, il n'y a aucun doute pour moi. Il s'agit d'un texte en arabe littéral, en arabe de caractère administratif », a affirmé le diplomate, contredisant une version répandue dans la presse par des proches de Nicolas Sarkozy, selon laquelle le document serait une traduction du français vers l'arabe.


L'ambassadeur a connu plusieurs personnalités officielles mentionnées dans le document : le chef des services de renseignements extérieurs Moussa Koussa, le directeur de cabinet de Kadhafi, Bachir Saleh, considéré comme l'un des trésoriers occultes du régime, et Abdallah Senoussi, chef des services de renseignements intérieurs et beau-frère de Kadhafi, condamné à perpétuité par contumace en France dans l'affaire de l'attentat contre le DC-10 UTA.


François Gouyette a indiqué avoir vu M. Senoussi essentiellement dans un cadre protocolaire. « Je n'avais pas de relation avec lui et ne souhaitais pas en avoir, s'agissant d'une personne ayant fait l'objet d'une condamnation en France », a-t-il souligné. À cette époque, l'entourage de Nicolas Sarkozy et son avocat personnel Me Thierry Herzog déployaient tous leurs efforts pour tenter de blanchir judiciairement le dignitaire libyen, comme Mediapart l'a déjà raconté.


« En ce qui concerne M. Saleh, je l'ai vu quelques fois, notamment à deux reprises en accompagnant M. Guéant lorsqu'il a été reçu par M. Kadhafi », a ajouté M. Gouyette.


Le diplomate rappelle au passage la protection française offerte à l'argentier du régime au moment de la chute de Kadhafi. « Bachir Saleh avait été interpellé en Libye et emprisonné en septembre 2011, la France était intervenue auprès de ses nouveaux interlocuteurs à Tripoli pour que Bachir Saleh ne soit pas maltraité, a poursuivi le diplomate, et j'ai su par la suite (…) qu'il avait pu rejoindre la Tunisie où il avait obtenu un visa, et de là la France. Concernant son titre de séjour (ndlr en France), ce que je peux indiquer simplement, c'est que Bachir Saleh avait depuis toujours une relation particulière avec la France, il avait également des relations avec Claude Guéant. »

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