Vincent Reynouard :

'La Vérité Sur La Gestapo'.

(Note de la Direction du Parti Radical de France : Vincent Reynouard, prisonnier politique du Nazi Sarkozy, a été libéré de la Maison d'Arrêt de Valenciennes mardi 5 avril 2011. Voici le genre de texte dont cet homme est coupable. C'est un bon travail d'historien, du genre que la Gestapo de Sarkozy et la Police de la Pensée de la Licra souhaitent voir supprimé. Ils vont bientôt nous interdire Bullock ou Shirer, sous prétexte que ce n'est pas suffisamment orienté, pas assez "pédagogique", c'est-à-dire culpabilisant pour l'Europe et incitant à la haine du grand peuple allemand. La France est aujourd'hui à nouveau occupée par des Fascistes. Il faut libérer notre pays, comme en 1945. Cela passe par la lutte pour la liberté d'expression. Si on ne soutient pas le droit à la parole de gens comme Vincent Reynouard, on perd, nous autres Français, le droit de se réclamer de la culture de Voltaire, Diderot, Hugo, Zola et tous nos autres glorieux ancêtres. Etre français, habiter cette terre de liberté, nous impose certains devoirs. Dont le premier est de léguer à nos enfants ces libertés si chèrement acquises par nos illustres prédecesseurs. Vive la France. Vive Vincent Reynouard.)

 

Adolf Hitler prenant un bain de foule au milieu des années 30. Bon ou mauvais, il est frappant de constater que ce monsieur avait, à l'époque, moins besoin d'être entouré de gardes du corps que Nicolas Sarkozy de nos jours. Par la suite, le régime d'Hitler n'a pas été bénéfique pour les Tchèques, Polonais, Russes et autres peuples agressés par ses armées. Cependant, dans les années 30, il l'a été manifestement pour les Allemands, et ceci dans leur immense majorité. Le travail de l'historien, entre autre, consiste à nous expliquer pourquoi. Et ceci en toute liberté ...

Ce que l'on dit de la Gestapo.

La Gestapo — Geheime Staatspolizei (Police secrète d'État) — fut créée le 26 avril 1933. Elle reste le symbole de la « terreur policière » qui aurait existé sous Hitler dès son arrivée au pouvoir et, plus tard, dans tous les pays occupés par l'Allemagne. Les manuels scolaires modernes et les différents documents distribués aux jeunes sont unanimes. La Gestapo était une organisation « nazie » qui surveillait tout le monde :

 

Le parti national-socialiste est devenu parti unique et les organisations nazies encadrent toute la population surveillée par la police d'État (la Gestapo)[1].

 

Elle avait à son service des milliers d'agents qui, à longueur de journée, traquaient, arrêtaient, torturaient et envoyaient dans les camps de concentration :

 

Les nazis créent un État policier et raciste ; la dénonciation est encouragée ; les S.S. et les milliers d'agents de la Gestapo, dirigés par Himmler, arrêtent, torturent et envoient dans les camps de concentration les opposants[2].

 

Si bien que, à partir de 1933, l'Allemagne connut une ère de chaos et de sauvagerie toujours plus grande :

 

L'État n'est plus qu'une façade et les multiples organes de sécurité (Gestapo, SD, SS etc.) rivalisent de zèle ce qui plonge l'Allemagne dans le chaos mais pousse également à une escalade dans la sauvagerie[3].

 

Au « grand » procès de Nuremberg, cette police secrète figura parmi les associations nationales-socialistes mises en bloc au banc des accusés en vertu du principe de la culpabilité collective. Les articles 9 (§1) et 10 du « Statut du Tribunal militaire international » déclaraient en effet :

 

Art. 9 : Lors d'un procès intenté contre tout membre d'un groupement ou d'une organisation quelconque, le Tribunal pourra déclarer (à l'occasion de tout acte dont cet individu pourrait être reconnu coupable) que le groupement, ou l'organisation à laquelle il appartenait était une organisation criminelle.

[…]

Art. 10 : Dans tous les cas où le Tribunal aura proclamé le caractère criminel d'un groupement ou d'une organisation, les autorités compétentes de chaque Signataire auront le droit de traduire tout individu devant les tribunaux nationaux, militaires ou d'occupation en raison de son affiliation à ce groupement ou à cette organisation. Dans cette hypothèse, le caractère criminel du groupement ou de l'organisation sera considéré comme établi et ne pourra plus être contesté [TMI, I, 13-14].

 

Ces deux articles rendirent possible la mise en accusation des associations suivantes : le Cabinet du Reich, le Corps des chefs politiques de la NSDAP, la SS, les SA, le SD, la Gestapo, l'État-Major général et Haut Commandement des Forces armées allemandes[4]. C'était le 18 octobre 1945, à l'audience d'ouverture du procès de Nuremberg. Un mois plus tard, dans son réquisitoire introductif, le procureur américain Robert Jackson déclara :

 

Par l'action de ces formations criminelles, les dirigeants nazis […] instituèrent la règle de la terreur. Ces organisations d'espionnage et de police furent utilisées pour traquer toute forme d'opposition et pour punir toute dissidence. Ces organisations créèrent et administrèrent bientôt des camps de concentration [TMI, II, 137].

 

Peu après, un de ses assistants, le commandant Frank B. Wallis, lança :

 

Les formations du Parti, les SA, les SS, ainsi que le SD et la Gestapo étaient les instruments maudits de la suppression de toute opposition, réelle ou en puissance [TMI, II, 202].

 

La Gestapo reçut comme défenseur maître Rudolf Merkel (TMI, I, 7). Aujourd'hui, les historiens rappellent qu'au terme des débats, cette police fut finalement reconnue « organisation criminelle ». C'est en partie vrai (j'y reviendrai). Mais les propos entendus lors des audiences infirment en grande partie l'histoire officielle.

 

Une police politique existait en Allemagne avant 1933

 

 

Très souvent, par exemple, on affirme ou on laisse accroire qu'aucune police politique n'aurait existé en Allemagne avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Dans sa livraison du 15 décembre 1939, l'hebdomadaire français Notre Combat écrivit :

 

La République de Weimar avait jugé inutile de créer une police politique. Le premier soin de M. Adolf Hitler, en arrivant au pouvoir, le 30 janvier 1933, fut de réparer cette erreur[5].

 

C'est complètement faux. Sous Weimar, une police existait, active et efficace, dont le service Ia s'occupait exclusivement des problèmes politiques. Le 3 janvier 1946, Me Merkel interrogea l'ancien chef du SD, Otto Ohlendorf. Voici ce que l'on put entendre :

 

Dr MERKEL. — Savez-vous si, dès avant 1933, dans le territoire qui constituait alors le Reich, existait une institution similaire de Police politique ?

TÉMOIN OHLENDORF. — Oui, elle existait. Si je me souviens bien, à la Direction générale de la Police de Berlin, et je crois que c'était le service Ia. Dans tous les cas, il y avait des organismes de Police politique.

Dr MERKEL. — Savez-vous quelque chose des activités de cette institution qui existait avant 1933 ?

TÉMOIN OHLENDORF. — Oui, elles étaient les mêmes, en principe au moins [TMI, IV, 353-4.].

Trois mois plus tard, l'ancien chef du RSHA, Ernst Kaltenbrunner, confirma. Prenant comme point de départ janvier 1933, il souligna :

 

Il existait auparavant déjà une Police d'État. Elle ne s'appelait pas Police d'État, mais section de la police politique [TMI, XI, 317].

 

Le 31 juillet 1946, enfin, un ancien membre de la Gestapo, Karl Best, expliqua qu'avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir :

 

dans les différents Länder de l'Allemagne, il y avait des polices politiques qui avaient été créées par les différents gouvernements régionaux [TMI, XX, 137].

 

Par conséquent, il est faux de croire qu'en avril 1933, A. Hitler (en la personne d'H. Göring) aurait créé ex nihilo une police politique. Sous Weimar, une telle police existait déjà, dans tous les États allemands, même si elle ne s'appelait pas Gestapo.

 

La police politique de Weimar combat le national-socialisme

 

 

Lors du procès, l'accusé n° 1, Hermann Göring, évoqua lui-aussi l'existence de cette police politique en Prusse avant 1933. Questionné par son avocat, il déclara :

 

Avant notre époque, il y avait également une police politique en Prusse. C'était le service de police Ia. Son travail consistait à surveiller et combattre le national-socialisme et pour partie également le communisme [TMI, IX, 279].

 

Les exemples de lutte contre le national-socialisme abondent. J'en citerai deux qui firent beaucoup de bruit à l'époque.

 

Le 25 novembre 1930, suite aux révélations d'un national-socialiste nouvellement élu au Landtag (le député Schäfer), des perquisitions furent opérées à Boxheim, dans la villa du Dr Wagner, conseiller de la circonscription hessoise de la NSDAP. Elles permirent la découverte d'un document qui énumérait des mesures à prendre lorsque, suite à un soulèvement communiste, les nationaux-socialistes auraient pris le pouvoir afin de rétablir l'ordre. La nouvelle fut largement commentée à l'époque[6]. Une procédure judiciaire fut engagée contre la NSDAP, qui dura près de deux ans. Finalement, le 20 octobre 1932, la Cour suprême de Leipzig rendit un arrêt de non-lieu.

 

Début 1932, les autorités allemandes recueillirent des « informations […] concordantes, provenant du Sleswig, du Hanovre et de la Saxe, au sujet de mouvements de troupes armées des SA » (preuve que Weimar disposait d'un réseau de renseignement efficace). En réaction, le 17 mars 1932, un vaste coup de filet fut organisé par la police politique : 170 bureaux des sections d'assaut et des sections de la NSDAP furent « visités ». De très nombreux documents et des armes furent saisis à Berlin, à Hambourg, à Oldenburg, à Pinneberg etc. D'après ces documents, les nationaux-socialistes se seraient préparés à marcher sur Berlin et à prendre le pouvoir au cas où A. Hitler serait arrivé en tête aux élections présidentielles. Les SA auraient été alertés, pourvus en vivres et en armes. Un réseau de transmission par motocyclettes aurait été établi. L'ordre de marche aurait été un télégramme disant : « Grand-mère est décédée. Max. ».

 

Malgré l'importance des saisies, la Tägliche Rundschau considéra cette action comme « un acte de vengeance, plutôt qu'une nécessité politique ». Dans son ensemble, d'ailleurs, la presse accueillit ces informations « avec une grande réserve », car il était difficile de savoir si ces préparatifs concernaient un coup d'État ou plutôt une contre-attaque en cas de soulèvement communiste[7]. Quoi qu'il en soit, une action en justice fut intentée devant la Haute-Cour de Leipzig. Dans les jours qui suivirent, en outre, une importante conférence eut lieu entre le général Grœner et les ministres de l'Intérieur de Prusse, de Bavière, de Wurtemberg, de Hesse et de Bade. D'après le Bayerischer Kurier :

 

Il aurait été décidé de renforcer la surveillance des agissements nationaux-socialistes et d'intervenir énergiquement à la moindre tentative illégale [Ibid., p. 15, col. B.].

 

Moins d'un mois plus tard, le 13 avril, le président Hindenburg signa un décret-loi qui supprimait les sections d'assaut, les échelons de protection, leurs états-majors ainsi que les organisations qui en dépendaient, et tout l'appareil administratif de l'armée privée des nationaux-socialistes. En 1946, Franz von Papen qualifia cette décision d' « injustice manifeste de la part du Gouvernement Brüning », car on avait frappé uniquement les milices de la NSDAP, épargnant sans raison celles des socialistes et des communistes[8].

 

Ces quelques rappels démontrent que, sous Weimar, la lutte contre le national-socialisme grâce à la police politique fut une réalité. On ne saurait toutefois blâmer la république allemande d'avoir agi ainsi. La plupart du temps, en effet, elle frappait lorsque les hitlériens étaient soupçonnés d'attenter à la sûreté de l'État.

 

Ces précisions effectuées, revenons à notre sujet.

 

Les objectifs de la Gestapo étaient ceux de toutes les polices politiques du monde entier

 

Deux lois allemandes

 

 

Lorsque, début 1936, la centralisation de la Gestapo fut quasi effective, une nouvelle loi lui dicta sa tâche. Publiée le 10 février, le paragraphe I stipulait :

 

La Gestapo a la tâche de rechercher toutes les intentions qui mettent l'État en danger, et de lutter contre elles, de rassembler et d'exploiter le résultat des enquêtes, d'informer le Gouvernement, de tenir les autres autorités au courant des constatations importantes pour elles et de leur fournir des impulsions[9].

 

Quatre mois plus tard, le préambule du décret qui réorganisait et unifiait la police du Reich déclarait :

 

[La police] est là : […] 2°) Pour préserver le peuple allemand contre toutes les tentatives de destruction d'ennemis intérieurs et extérieurs[10].

 

Déclarations entendues à Nuremberg

 

 

Il n'y avait là rien que de très normal pour une police politique. Le 12 avril 1946, d'ailleurs, E. Kaltenbrunner souligna que la mission principale de la Gestapo avait été celle de toutes les polices du monde :

 

En premier lieu, la Police d'État, comme dans les autres pays, était chargée d'assurer la protection des institutions de l'État contre les ennemis de l'État à l'intérieur [TMI, XI, 317].

 

Quelques mois plus tard, le 31 juillet 1946, Me Merkel interrogea K. Best. Voici ce que l'on put entendre :

 

Dr MERKEL. — Est-ce que ces nouvelles autorités [de police] furent chargées de tâches nouvelles ?

TÉMOIN BEST. — Non, on leur donna les tâches qui avaient été données dans le passé à la police politique.

Dr MERKEL. — De quelles tâches s'agissait-il ?

TÉMOIN BEST. — D'une part, il s'agissait de poursuivre les actes punissables du point de vue politique, tout ce qui concernait les actes politiques ou de caractère politique et, d'autre part, d'assurer des mesures préventives prises par la Police contre ces actes [TMI, XX, 137].

 

La Gestapo n'avait pas pour mission de véhiculer l'idéologie « nazie »

 

 

En particulier, jamais la Gestapo n'eut pour mission de véhiculer l'idéologie dominante. A Nuremberg un ancien chef local de cette police secrète, Karl Hoffmann, fut catégorique :

 

Dr MERKEL. — Appartenait-il à la Police d'État de représenter les buts idéologiques du Parti ?

TÉMOIN HOFFMANN. — Non. Les tâches de la Police d'État consistaient simplement à parer les attaques dirigées contre l'État, dans le cadre des dispositions et des ordonnances légales [TMI, XX, 171.].

 

Une Police constituée avec de nombreux hommes déjà en fonction sous Weimar

 

 

De nos jours, beaucoup croient qu'une fois arrivés au pouvoir, les nationaux-socialistes se seraient empressés de « nazifier » le pays en dissolvant toutes les anciennes assemblées et en en créant de nouvelle uniquement composées de nationaux-socialistes convaincus. C'est une erreur. L'Académie allemande de Droit en est un bon exemple. Cette structure fut fondée en 1933 par Hans Frank ; sa mission consistait à préparer les lois (surtout dans le domaine économique ou social) ; comme toutes les assemblées de ce genre, son rôle était avant tout consultatif. A Nuremberg, H. Frank expliqua :

 

[L'Académie] était le lieu de rencontre des juristes les plus éminents d'Allemagne, aussi bien dans le domaine du Droit théorique que du Droit appliqué. Dès le début, je n'ai attaché aucune importance à la question de savoir si ces juristes appartenaient au Parti ou non. 90 % n'en faisaient pas partie [TMI, XII, 10].

 

Il en fut de même avec la Gestapo. Dans l'acte d'accusation rédigé au premier procès de Nuremberg, le Ministère public prétendit que les fonctionnaires et les agents de cette police nouvellement créée « furent choisis sur la base d'une adhésion inconditionnelle à l'idéologie nazie » (TMI, I, 85).

 

Certes, lors des audiences, K. Hoffmann concéda que, dans les années qui suivirent la prise du pouvoir, les fonctionnaires nouvellement nommés et ceux qui obtenaient un avancement étaient « appréciés au point de vue politique »[11]. Mais on aurait tort d'en déduire que la Gestapo fut peuplée avant tout de membres du Parti. Car sachant qu'elle devait être une véritable police, immédiatement active et efficace, H. Göring choisit tout d'abord des fonctionnaires connus non pour leurs sympathies nationales-socialistes, mais uniquement pour leur professionnalisme. L'immense majorité n'avait jamais appartenu à la NSDAP.

 

Les déclarations de Göring à Nuremberg

 

 

A Nuremberg, l'ancien n° 2 du Régime expliqua :

 

[Dans la Gestapo nouvellement créée] J'y pris bon nombre de fonctionnaires éloignés de la politique et uniquement pour leurs connaissances techniques ; au début, je choisis très peu de fonctionnaires du Parti, m'attachant d'abord à leur expérience professionnelle [TMI, IX, 279].

 

Pour la Gestapo de Prusse, H. Göring choisit comme chef un ancien haut fonctionnaire de la police de Weimar, M. Dielhs :

 

Le chef de cette police, que j'avais en vue, n'était pas non plus membre du Parti, mais provenait de l'ancienne police. Il s'y trouvait déjà. C'était l'ancien Oberregierungsrat et, plus tard, conseiller ministériel Dielhs. De même, les principaux chefs de la Gestapo étaient des fonctionnaires qui n'appartenaient pas au Parti [Id.].

 

Confirmation d'un ancien expert juridique…

 

 

H. Göring ne mentait pas. Interrogé le 18 avril 1946, un ancien expert du RSHA pour les questions juridiques touchant à la Police, Rudolf Bilfinger, déclara :

 

Les anciens fonctionnaires des ex-départements politiques des bureaux du Polizeipräsidium [police de Weimar] constituaient le noyau de la Gestapo. Ces départements furent à l'origine des différents services locaux de la Police, et en même temps la plupart des fonctionnaires qui y appartenaient restèrent en place. Ainsi à Berlin, par exemple, ce fut le département Ia du Polizeipräsidium [TMI, XII, 55].

 

… et d'un ancien chef local de la Gestapo

 

 

Venant à l'appui de ces déclarations, K. Hoffmann, précisa que « la plupart » des membres de son service étaient des « fonctionnaire qui étaient entrés dans la Police avant 1933 et avaient été versés dans la Police d'État ». La proportion de volontaires venus après 1933 atteignait « tout au plus 10 % ou 15 %» des effectifs[12]. Pourquoi une proportion si faible ? Tout simplement parce que, étant peu rétribué, le travail dans cette branche n'était pas très recherché[13].

 

Ajoutons que tous ces volontaires venus du Parti, de la SS ou des SA restèrent d'obscurs subalternes au sein de la Gestapo. Ils furent engagés « presque seulement en tant qu'employés et salariés des services techniques, chauffeurs, télétypistes, auxiliaires etc.»[14].

 

La Gestapo n'était pas une annexe de la NSDAP

 

 

Voilà pourquoi il est faux de dire qu'immédiatement après la nomination d'A. Hitler au poste de chancelier, la NSDAP aurait créé, avec ses propres membres exclusivement, une police politique. Dès le 30 janvier 1933, d'ailleurs, lors d'une rencontre avec les représentants de la presse allemande, le nouveau directeur de la presse du Reich, Walter Funk, avait assuré qu'il « n'était pas question d'incorporer dans la police du Reich les formations hitlériennes »[15].

Treize ans plus tard, à Nuremberg, K. Best fut catégorique sur ce point, comme le démontre le dialogue suivant :

 

Dr MERKEL. — Est-ce que la NSDAP a créé une police politique quelque part en Allemagne ?

TÉMOIN BEST. — Non, nulle part.

Dr MERKEL. — Est-ce qu'une organisation du Parti a été prise par l'État pour constituer une police politique ?

TÉMOIN BEST. — Non, jamais.

Dr MERKEL. — Est-ce que les services de police politique des divers Länder occupaient en 1933 des membres du Parti ?

TÉMOIN BEST. — Non, ils occupaient les fonctionnaires qui existaient déjà dans ces polices. Seuls quelques fonctionnaires nouveaux ont été admis à cette époque.

Dr MERKEL. — Est-ce que les fonctionnaires dirigeants de ces services étaient des membres du Parti ?

TÉMOIN BEST. — C'était différent dans les divers Länder. C'était, en partie, des fonctionnaires qui, dans le passé, avaient appartenu à d'autres directions politiques et à d'autres partis.

Dr MERKEL. — Pouvez-vous nous citer un exemple ?

TÉMOIN BEST. — Il y a plusieurs exemples connus. Il est connu que le chef de la Police secrète d'État prussienne, M. Diehls, avait eu des idées politiques différentes. Les collaborateurs les plus proches de Himmler et de Heydrich à Munich, qui ont plus tard été appelés à Berlin, comme Müller par exemple, qui devait devenir le chef de l'Amt IV [= la Gestapo lorsqu'elle fut intégrée au RSHA], Huber, Fresch, Beck, avaient été membres du parti populaire bavarois, et le chef lui-même de mon petit service de police de Hesse était un ancien démocrate et un franc-maçon que j'ai, malgré cela, tenu pour capable d'occuper ce poste.

Dr MERKEL. — Pourquoi ces fonctionnaires ont-ils continué à assurer leur service de police sous le régime national-socialiste ?

TÉMOIN BEST. — Parce que, pour un fonctionnaire allemand, c'était une chose évidente que de continuer à servir l'État, même si le Gouvernement changeait, tant qu'il était en mesure de servir son pays.

Dr MERKEL. — Est-ce que ces fonctionnaires ont été exclus plus tard et remplacés par des nationaux-socialistes ?

TÉMOIN BEST. — Non, ces messieurs, en général, ont fait une carrière brillante et ont occupé des postes importants [TMI, XX, 138-9].

 

Comme le souligna Me Merkel, à partir de janvier 1933 :

 

N'étaient absolument exclus [de la Police politique] que les fonctionnaires qui s'étaient montrés particulièrement actifs comme adversaires du national-socialisme. Mais ceux-ci n'étaient congédiés qu'en de rares cas. La plupart du temps ils étaient mutés dans la Police criminelle [TMI, XXI, 573].

 

K. Best précisa également que, au moins jusqu'en 1940, les fonctionnaires de la police ne reçurent aucune formation politique ou idéologique[16].

 

La Gestapo : une police d'État parfaitement banale

 

Les explications de Göring...

 

 

On en déduit que, loin d'être une arme de combat nationale-socialiste, la Gestapo fut avant tout une police d'État comme il en existait — et en existe encore — partout dans le monde. A la question : « peut-on affirmer que la Gestapo, lorsque vous l'avez créée en 1933, était une unité de combat nationale-socialiste, ou était-ce plutôt une institution d'État telle que par exemple la Police criminelle et autres institutions du Reich ?», H. Göring répondit :

 

J'ai déjà souligné qu'il s'agissait d'une véritable institution d'État rassemblée autour de l'ancienne police politique qui fut tout bonnement réorganisée et orientée suivant les nouveaux principes de l'État. Cet organisme n'avait pas la moindre relation avec le Parti à cette époque. Le Parti ne possédait aucune influence, aucune compétence pour donner des ordres ou des directives de quelque nature que ce fût. C'était exclusivement une institution d'État. Ses membres, qui en faisaient partie ou y étaient nouvellement incorporés, étaient à cette époque fonctionnaires avec tous les droits et tous les devoirs impartis à leur qualité [TMI, IX, 440].

 

… confirmées par le témoin Best

 

 

Plus tard, K. Best, interrogé par Me Merkel, confirma :

 

Dr MERKEL. — Qu'était la Gestapo ?

TÉMOIN BEST. — C'était un ensemble d'autorités de l'État […]. Les fonctionnaires de la Gestapo étaient des fonctionnaires de l'État qui avaient en Droit public des relations de fonctionnaires de l'État […].

Dr MERKEL. — La Gestapo était-elle intégrée d'une manière quelconque dans la NSDAP ou d'autres organisations nationales-socialistes ?

TÉMOIN BEST. — Non, les autorités de la Gestapo étaient des autorités purement étatiques [TMI, XX, 136].

 

Réponse à l'argument selon lequel les membres de la Gestapo étaient des SS

 

 

A cela, certains répondront qu'une grande majorité des membres de la Gestapo étaient des SS[17] ; ils en déduiront que cette police secrète était bien une structure de combat nationale-socialiste.

 

En cela, ils commettent une erreur.

 

Les SS admis dans la Gestapo étaient désormais considérés comme des fonctionnaires

 

 

Lorsque des SS voulaient entrer dans la Gestapo, ils devaient passer l'examen auquel tous les candidats étaient soumis. Et en cas d'admission, ces SS devenaient fonctionnaires de la Police. Certes, ils restaient SS, mais dans le cadre de leur activité, on les considérait comme de simples fonctionnaires[18].

 

A partir de 1939, une assimilation qui resta « de pure forme »

 

 

A la veille ou au début de la guerre, une partie des membres de la Gestapo reçut un poste quelconque dans la SS, avec le grade et l'uniforme qui l'accompagnaient. L'objectif premier était uniquement de renforcer l'autorité des simples fonctionnaires qui agissaient[19]. Si bien que les grades SS conférés aux membres de la Gestapo n'eurent aucune conséquence pratique : les membres de la Gestapo restèrent de simples fonctionnaires et leurs tâches ne furent nullement modifiées. A Nuremberg, H. Göring l'expliqua aisément :

 

[…] peu à peu, au cours des années, tous les fonctionnaires, qu'ils le veuillent ou non je crois, recevaient un poste quelconque dans les SS. Si bien qu'un fonctionnaire de la Gestapo qui n'avait peut-être jusqu'en 1939 ou 1940 rien eu à voir avec les SS et dont la carrière remontait à l'ancienne époque, c'est-à-dire était déjà fonctionnaire de police sous la république de Weimar, obtenait automatiquement un rang quelconque dans la SS. Mais il restait fonctionnaire, c'est-à-dire que la Gestapo était une administration de la Police allemande [TMI, IX, 440].

 

Plus tard, le témoin K. Hoffmann confirma en précisant que l' « intégration dans les SS était une mesure de pure forme ». Voici ce que l'on put entendre le 1er août 1946 :

 

Dr MERKEL. — […] Les membres de la Gestapo qui avaient été intégrés aux SS par le décret d'assimilation ont-ils passé au service des SS ou du SD et ont-ils servi ces organisations ?

TÉMOIN HOFFMANN. — Non. Cette intégration dans les SS était une mesure de pure forme, et à partir du moment où j'ai été, en théorie, rattaché aux SS en 1939, je n'ai fait de service ni dans les SS ni dans le SD [TMI, XX, 194-5.].

 

Un opportunisme qui ne changeait rien dans les faits

 

 

Certes, il y eut quelques engagements volontaires dans la SS, mais les candidats agissaient par opportunisme, car lors des promotions, Himmler accordait plus facilement de l'avancement si le fonctionnaire de police était également membre de la SS. A Nuremberg, E. Kaltenbrunner expliqua :

 

Les engagements volontaires doivent avoir été relativement peu nombreux. Je sais qu'ultérieurement, Himmler, lors des promotions, se montra plus réticent si les candidats n'appartenaient pas aux SS et c'est ainsi qu'il y eut des engagements, peut-être pas par conviction mais par désir d'avancement [TMI, XI, 319].

 

Là encore, ces engagements ne changeaient rien concrètement ; tout juste permettaient-ils — peut-être — de gravir plus rapidement les échelons au sein de la Police.

 

Conclusion

 

 

Par conséquent, on ne peut que rejeter l'argument selon lequel la Police secrète du Reich aurait été une simple branche de la SS, donc une organisation de combat nationale-socialiste. Cette assimilation de membre de la Gestapo dans la SS non seulement fut tardive et très incomplète, mais aussi elle resta une « mesure de pure forme », dictée par les nécessités ou l'opportunisme. Dans sa plaidoirie, Me Merkel le souligna :

 

Avec l'assimilation les fonctionnaires de la Gestapo […] se trouvèrent de fait dans la formation du SD des SS, mais ils restèrent uniquement soumis à leurs supérieurs hiérarchiques et ne participèrent aucunement au service des SS ou du SD. L'assimilation ne se fit en outre que lentement et dans une mesure infime. Lors de la déclaration de la guerre en 1939, parmi les quelque 20 000 membres de la Gestapo et de la Kripo, 3 000 seulement, en chiffres ronds, avaient été assimilés […].

Durant la guerre, des non-assimilés travaillant dans certaines organisations durent aussi porter l'uniforme SS, sans pourtant en être membres. Du reste, les SS n'ont pas contrôlé la Police et n'ont eu aucune influence quelconque sur son activité ; ce n'est que dans la personne de Himmler que se trouvait une union personnelle des directions des deux services [TMI, XXI, 536].

 

 

POLITICAL PRISONERS

 

 

Vincent REYNOUARD - Centre pénitencier de Valenciennes - N° d'écrou: 33034 - 75 rue Lomprez - B.P. 455 - 59322 VALENCIENNES Cedex - FRANCE

 

 

 

Wolfgang FRÖLICH - Justizanstalt Hirtenberg - Leobersdorferstraße 16 - 2552 Hirtenberg - AUSTRIA

 

 

 

Gerd HONSIK - Justizanstalt Wien Simmering - Bruhlgasse 2 - 1110 WIEN - AUSTRIA

 

 

 

Horst MAHLER - Anton Saefkow Allee 22 - 14772 BRANDENBURG/HAVEL - GERMANY

 

 

 

Sylvia STOLZ - Munchenerstr 33 - 86551 AICHACH - GERMANY

 

 

 

Pourquoi avoir créé la Gestapo ?

 

Naturellement, certains pourront répondre : puisqu'il ne s'agissait pas de créer un instrument nouveau, pourquoi avoir changé la structure et pourquoi lui avoir donné un nouveau nom ?

Pour le comprendre, il faut se replacer dans l'Allemagne de 1931-1932.

 

La situation intérieure de l'Allemagne en 1932

 

 

A cette époque, le pays vivait une crise économique effroyable. Dans un article publié le 28 septembre 1930, déjà, Josef Eberle avait parlé :

 

d'un peuple [allemand] poussé aux limites du désespoir, d'un peuple qui s'est vidé de son sang jusqu'aux limites du possible et qui n'a plus rien à perdre[20].

 

Ce chapitre concernant l'effroyable crise économique allemande étant relativement connu, je n'y reviendrai pas. Je me contenterai de rappeler les faits les plus saillants survenus après la parution de l'article mentionné ci-dessus : le 29 mai 1931, alors qu'un nouveau décret-loi était en préparation pour tenter de combler les déficit financier atteignant 1 250 millions de marks, la Deutsche Tageszeitung parla de « catastrophe économique et financière menaçante ». De nouvelles compressions budgétaires étant prévues, associées à de nouveaux impôts, la Kölnische Zeitung déclara : « les sacrifices actuels touchent aux limites des possibilités […]. Avec eux, la limite des efforts pour l'assainissement intérieur est atteinte ».

 

La situation était telle que dans le décret-loi publié peu après, le gouvernement prenait des mesures draconiennes, parmi lesquelles : diminution de 4 à 8 % des salaires des fonctionnaires et employés de l'État, réduction de 50 % de l'allocation pour le premier enfant, augmentation des impôts existants sur le sucre, l'eau minérale et les chiffres d'affaire, création d'un « impôt de crise » sur les revenus. Commentant le texte, le Berliner Tageblatt commenta :

 

Un gouvernement recourt aux moyens les plus extrêmes pour parer à des dangers aigus […]. Les moyens auxquels il a recours dépassent de beaucoup de simples mesures financières. Ils atteignent bien des choses qui passaient pour établies et intangibles.

 

De son côté, la Leipziger Volkszeitung lança :

 

Ce qui est indiscutable, c'est que le pessimisme le plus noir a encore été dépassé par ce que l'on connaît des principes du décret-loi…

 

Mais face à la gravité du moment, la Vossische Zeitung du 7 juin conseillait : « dans la situation politique générale actuelle, le moindre mal est encore de tolérer ce décret-loi ».

 

A la même époque parut un rapport selon lequel, après la décrue enregistrée depuis février 1931, le nombre de chômeurs allait remonter pour atteindre probablement 4,5 millions de personnes dans le courant de l'année 1932[21]. Or, on annonçait déjà que ces malheureux seraient moins aidés. Par exemple, les ouvriers saisonniers pourraient prétendre à l'assurance chômage s'ils avaient été occupés pendant 30 semaines, contre 26 auparavant, et une allocation leur serait versée pendant 20 semaines, contre 29 auparavant. De leur côté, les ouvriers à domicile et ceux employés dans des ateliers familiaux seraient exclus du bénéfice de l'assurance. Quant à « l'allocation de crise » réservée aux chômeurs en fin de droits, si elle n'était pas diminuée, les délais pour l'obtenir étaient allongés : de 14 à 21 jours pour les chômeurs sans charge de famille, de 7 à 14 jours pour les chômeurs ayant une à trois personnes à leur charge, et de 3 à 7 jours pour les chômeurs ayant plus de quatre personnes à leur charge. D'où des familles qui allaient être totalement privées de ressources pendant parfois deux semaines.

 

Sans surprise, la presse accueillit avec déception ce rapport. La Berliner Volkszeitung écrivit :

 

Maintenant que la Commission est parvenue au terme de ses travaux, on est malheureusement obligé de constater qu'elle était inutile. Qu'a-t-on obtenu ? Les longs rapports n'ont rien changé à la misère due à la crise, les projets d'aménagement du travail et de placement restent sur le papier, même l'abréviation de la durée du travail n'a pas été abordée par le gouvernement… Là où les projets de la Commission manifestaient une tendance à réduire les droits des assurés et les prestations sociales le gouvernement Brüning les a faits siens[22].

 

Malgré cela, l'Allemagne s'attendait à dépenser 2 milliards de marks pour les chômeurs entre le 1er septembre 1931 et le 31 mars 1932 : 500 millions pour l'habitation et 1 200 millions pour les vivres et le charbon[23].

 

Le 20 juin 1931, le président von Hindenburg lança un appel désespéré au président des Etats-Unis, M. Hoover, pour qu'il sauve le pays menacé par la faillite. Peu après, le 13 juillet, l'un des plus puissants instituts bancaires d'Allemagne, la Darmstädter und Nationalbank, annonça qu'il était obligé de suspendre ses paiements. Une vague de panique s'ensuivit dans le public : les achats de devises étrangères se multiplièrent et des magasins furent pris d'assaut dans la crainte d'une disette généralisée. Afin de calmer les esprits surchauffés, le gouvernement décréta la fermeture de la Bourse et celle des banques jusqu'à nouvel ordre. Il établit également un contrôle sévère sur les achats de devises et décida une taxe de 100 marks sur tous les voyages à l'étranger. Enfin, il annonça que les salaires du mois de juillet étaient assurés et que ceux du mois d'août seraient versés en trois fois. Dans son édition du soir, la Leipziger Volkszeitung écrivit :

 

Ce que nous voyons en Allemagne, c'est l'écroulement catastrophique, non seulement d'une grande entreprise, mais de tout un régime[24].

 

Le 15, le chancelier allemand et son ministre M. Curtius partirent à Paris afin « d'entreprendre une action pour obtenir un secours de l'étranger » (Ibid., col. B). Mais cette démarche demeura vaine ; aucun secours ne pouvait être espéré dans l'immédiat : « l'Allemagne devait d'abord faire un effort elle-même » (Ibid., p. 19, col. A). Le gouvernement créa donc une nouvelle banque, la Banque d'acceptation de garantie, au capital de 200 millions, et prit des mesures pour renflouer les autres instituts en difficulté. Le 4 août, dans un discours rassurant, le chancelier Brüning annonça la reprise des paiements pour le lendemain. La crise avait été surmontée, mais elle laissait l'Allemagne encore plus faible qu'auparavant…

 

Le 11 août, un protocole fut signé à Londres, portant suspension des dettes de guerre et réparations.

 

Quatre mois plus tard, le 8 décembre, le président von Hindenburg signa la quatrième (!) « grande ordonnance de détresse » portant sur la réductions des salaires, des prix des loyers et sur des mesures touchant les assurances sociales. Le 16 décembre, les salaires des ouvriers métallurgistes dans l'industrie berlinoise baissèrent de 10 à 15 %. Le lendemain, il fut décidé que les salaires dans les mines de la Rhur baisseraient de 10 % au 1er janvier. Dans sa réponse du 1er janvier 1932 aux vœux du corps diplomatique, le président von Hindenburg déclara :

 

Toutes les branches de notre économie languissent, des millions de nos compatriotes, en dépit de leur capacité et de leur volonté de travail, se voient ravir les éléments fondamentaux de leur existence.

Même les parties de la population qui ne sont pas condamnées à chômer subissent l'effet de la lourde dépression matérielle et morale[25].

 

Une semaine après, le 9 janvier 1932, Brüning informa l'ambassadeur anglais que l'Allemagne ne pourrait plus, désormais, continuer d'effectuer ses versements au titre des réparations. Dans une déclaration à l'agence Wolff, le Chancelier expliqua :

 

Il est évident que la situation de l'Allemagne la met dans l'impossibilité de continuer des paiements de caractère politique[26].

 

Le lendemain, la Germania lança :

 

L'Allemagne ne refuse pas les paiements parce qu'elle ne veut pas, mais parce qu'elle ne peut pas payer […] [Ibid., p. 9, col. A.].

 

Deux mois plus tard, une nouvelle « ordonnance de détresse » fut publiée, afin de combler les lacunes de la précédente. Le 4 septembre, un nouveau décret-loi parut afin de ranimer l'économie moribonde. En 1946, F. von Papen déclara qu'il s'agissait d'une « suprême mobilisation de nos dernières réserves d'énergie»[27]. Quelques succès immédiats furent enregistrés (notamment une baisse du chômage ; - 123 000 chômeurs en un mois). Mais par la suite, la situation s'aggrava encore. Fin 1932, le total de la dette s'élevait à 12,26 milliards de marks, en augmentation de 11 millions par rapport au mois de mars[28]. Le nombre de chômeurs était quant à lui d'environ 5,5 millions — ce qui signifiait qu'« une famille allemande sur trois était au chômage »[29] — et d'après l'expert August Rosterg, l'ambitieux projet du gouvernement pour lutter contre ce fléau allait créer tout au plus 667 000 emplois[30]. Quant à l'agriculture, sa détresse était totale. Le 11 janvier 1933, la Ligue agraire — qui ne représentait pas la totalité du monde paysan, mais tout de même… — publia un manifeste qui commençait ainsi :

 

La misère de l'agriculture allemande, celle des exploitations paysannes de produits sélectionnés, a pris, avec la tolérance du gouvernement actuel, des proportions que l'on aurait pas crues possibles, même sous un gouvernement marxiste. On continue à dépouiller l'agriculture, au profit des intérêts d'argent tout-puissants de l'industrie d'exportation et de ses satellites[31].

 

Ce manifesta entraîna la rupture immédiate entre le gouvernement et la Ligue agraire.

Oui, vraiment, l'Allemagne se débattait dans un « amas inextricables de problèmes »[32].

 

Instabilité politique chronique

 

 

Cette détresse économique renforçait l'instabilité politique. Le 5 octobre 1930, Josef Eberle se lamenta que depuis 1918, pas moins de dix-sept gouvernements s'étaient succédés en Allemagne. Avec bon sens, il déclarait :

 

Vraiment ce qui paraît le plus important en Allemagne semble être le couronnement de la Constitution qui par des éléments d'autorité et de stabilité rendrait largement possible cette certitude dans la conduite et la politique. Cette certitude seule peut relever une nation de la débâcle et de la misère pour lui rendre son ancienne grandeur[33].

 

La suite n'allait cependant apporter aucune amélioration sensible. Le 13 octobre 1930 eut lieu la rentrée du Reichstag avec le premier Cabinet Brüning. Moins d'un an plus tard, le 7 octobre 1931, celui-ci démissionna. Le Chancelier fut chargé d'en former un nouveau, ce qui fut fait dans les 48 heures. Mais ce Cabinet eut une durée de vie encore moins longue que le précédent : le 30 mai 1932, le président du Reich, qui souhaitait une politique orientée plus à droite, nomma F. von Papen chancelier et le chargea de former un nouveau gouvernement. En vingt mois, ainsi, trois Cabinets s'étaient succédés.

 

Les idées marxistes progressent sensiblement

 

 

La détresse économique et l'instabilité politique favorisaient tout naturellement le développement des idées marxistes ou liées au marxisme. Un symptôme parmi d'autres : en Allemagne, le nombre d'adhérents du Mouvement prolétarien et libre-penseur explosait. Parti de 3 322 en 1918, il était passé à 59 829 en 1920, 261 565 en 1922, 464 728 en 1926, 581 059 en 1928 et à environ 700 000 fin 1930, après la scission du mouvement en une aile socialiste et une aile communiste[34].

 

Au sein des écoles (même confessionnelles), les communistes faisaient circuler des billets invitant les enfants à rejoindre le Jungspartakusbund. Pour devenir Pionnier de cette organisation, le jeune devait s'engager à soutenir inconditionnellement le parti communiste, à organiser la « lutte contre l'instituteur réactionnaire », à créer des cellules dans les classes etc. Bref, l'objectif était de former une jeunesse communiste de choc. Organisée dans un climat de pauvreté générale, cette propagande connut un tel succès que le, 14 décembre 1931, le cardinal Bertram, au nom de tout l'épiscopat prussien, pria les autorités de faire « exécuter toutes les mesures qui p[ouvaient] remédier à l'agitation »[35].

 

Parallèlement, les communistes ne cessaient de progresser dans les consultations populaires, même si leurs progrès étaient beaucoup moins sensibles que ceux des nationaux-socialistes. En voici quelques exemples :

 

- 17 mai 1931, renouvellement du Landtag d'Oldenbourg. Les rouges comptabilisèrent 19 389 voix, contre 8 470 trois ans auparavant[36] ;

- 27 septembre 1931, renouvellement du Parlement de Hambourg. Ils gagnèrent huit sièges, passant de 114 257 voix (année 1928) à 168 618[37].

- 15 novembre 1931, renouvellement du Landtag de Hesse. Ils obtinrent 106 775 voix contre 41 280 en 1927[38].

- 14 mars 1932, renouvellement du Landtag de Meckelbourg-Strelitz. Ils gagnèrent près de 8 000 voix, passant de 10 634 à 18 469[39].

- 24 avril 1932, élection en Bavière. Ils doublèrent leur nombre voix, celui-ci passant de 125 842 à 259 400[40].

- 25 avril 1932, renouvellement du Landtag de Prusse. Ils grignotèrent 9 sièges par rapport à 1928, passant de 2,2 à 2,8 millions de voix[41].

- 25 avril 1932, élection au Landtag du Wurtemberg. Ils gagnent 34 000 voix, passant de 82 525 à 116 644[42].

 

Le 31 juillet 1932 eurent lieu les élections générales au Reichstag. Les communistes arrivèrent en troisième position avec 5 278 094 voix, soit une progression de près de 700 000 voix par rapport à 1930. Ils venaient derrière les sociaux-démocrates qui avaient recueilli près de 8 millions de suffrages (un recul d'environ 600 000 voix par rapport à 1930) et les nationaux-socialistes forts de 13,7 millions de suffrages (un bon de 7,4 millions en deux ans). Commentant ces résultats, la Deutsche Tageszeitung déclara dans son édition du 2 août 1932 :

 

On doit malheureusement constater que la forte pression des communistes, phénomène dangereux pour l'État lui-même, signifie que le marxisme a dans son ensemble, repris sa marche en avant. Le pourcentage des voix marxistes est, en effet, de 36,5 % contre 34,5 % aux élections de mai 1914[43].

 

Une situation intérieure qui justifie l'intransigeance de Hitler

 

 

Dans cette situation de crise, qu'allaient faire Hitler et ses collaborateurs ? En 1946 à Nuremberg, F. von Papen déclara que fin 1932, même le parti du Centre voulait « un Gouvernement de majorité avec Hitler »[44]. L'ancien chancelier ne mentait pas. Une fois les résultats des élections au Reichstag publiés (le 1er août 1932), la plupart des journaux insistèrent sur le fait que les nationaux-socialistes devaient entrer au gouvernement. Dans son édition du 1er août 1932, la Deutsche Allgemeine Zeitung lança :

 

Le résultat des élections atteste le désir qu'a le peuple de voir les nationaux-socialistes partager les responsabilités du gouvernement. On peut ergoter sur tous les autres aspects du scrutin du 31 juillet, mais sur ce point aucun doute n'est possible[45].

 

De son côté, l'organe protestant la Kölnische Volkszeitung s'exprima sans ambages :

 

Un gouvernement qui a fait expressément appel à la volonté du peuple ne peut pas ensuite ne pas en tenir compte. […] le Centre sera obligé d'exiger que le national-socialisme ne se dérobe pas plus longtemps aux responsabilités. Quand on s'est vanté à ce point d'être un sauveur, on n'a plus le droit de se contenter de discourir. On doit partager les responsabilités du pouvoir. Il y a des moyens très simples pour y amener les nationaux-socialistes [Ibid., p. 17, col. B.]

 

Plus surprenant encore, ce message fut également lancé par une partie de la presse de gauche. Le 2 août 1932, la Frankfurter Zeitung déclara :

 

Après ces élections, on ne demandera compte de sa responsabilité à aucun autre parti qu'au national-socialisme. Et il faut prendre aujourd'hui cette expression dans son sens littéral. Les nationaux-socialistes ont le devoir impérieux de participer à la responsabilité gouvernementale. Pour le travail, il ne manque pas. Mais pour le battage, les temps sont passés [Id.].

 

A ces appels, les nationaux-socialistes répondirent par la plume d'Alfred Rosenberg dans le Völkischer Beobachter :

 

On entend déjà dire que nous devrions être obligés de partager les responsabilités du pouvoir […]. Il est pourtant bien clair que nous ne songeons nullement à accepter une « participation » quelconque, mais que nous resterons libres comme jusqu'à présent ou que nous assumerons d'une façon incontestable la direction des affaires, laissant alors aux autres le soin de nous reconnaître ou non[46].

 

De son côté, l'Angriff lança :

 

Ou bien le parti national-socialiste recevra la direction du gouvernement du Reich, ou bien, si un refus lui est opposé, il y répondra par un combat sans merci [Ibid., p. 18, col. B.].

 

Pourquoi cette intransigeance ? Tout simplement parce que, face à la crise effroyable qui ruinait le pays, les nationaux-socialistes étaient adversaires des demi-mesures. Comme l'a rappelé W. Funk à Nuremberg :

 

[En 1932] Le Gouvernement ou les gouvernements n'avaient pas d'autorité. Le système parlementaire n'avait plus aucune efficacité […].

[…] le Gouvernement lui-même n'avait ni la force ni le courage de dominer les problèmes économiques. D'ailleurs, ces problèmes ne pouvaient pas être résolus seulement par des mesures économiques ; il était nécessaire d'instaurer un gouvernement investi des pouvoirs et de l'autorité nécessaire [TMI, XIII, 88 et 89].

 

Les nationaux-socialistes voulaient donc un changement radical des institutions et des modes de gouvernement afin de mettre fin à l'instabilité politique et, ainsi, d'effectuer un travail de longue haleine pour relever véritablement le pays. En clair, ils voulaient tout le pouvoir pour balayer la république de Weimar, le parlementarisme, la démocratie… et ainsi se mettre sérieusement à l'ouvrage sans être gênés par l'opposition, les sempiternelles élections et les majorités changeantes du fait de la versatilité des masses.

En cela, ils ne faisaient que suivre les conseils du « modéré » J. Eberle. Dans un article paru le 28 septembre 1930, il avait écrit :

 

Ce que demande le peuple, ce n'est pas l'illusoire droit démocratique, c'est un secours, une aide, une vraie direction. Rappelons-nous la parole du président du Reich [de 1919 à 1925], [Friedrich] Ebert, au ministre Gessler : « Monsieur Gessler, nous serons quelque jour acculés au dilemme : l'Allemagne ou la Constitution. Ce jour-là, nous ne jetterons tout de même pas notre peuple aux chiens pour sauver la Constitution ». Si le social-démocrate Ebert a pu ainsi parler, est-ce que des politiciens chrétiens ne doivent pas, bien plus encore, trouver en eux-mêmes le courage de la même profession de foi et, au-dessus des paroles, le courage de l'action ?... Donnez au peuple d'Allemagne ce que lui offrit dans les siècles passés Rodolphe de Habsbourg après la « terrible période sans empereurs », et le peuple vous portera en triomphe sans vous demander si vous avez respecté les idées et les paragraphes de la Constitution de Weimar[47].

 

Hitler veut pouvoir gouverner pendant quatre ans sans être gêné

 

 

Voilà pourquoi :

 

- le 13 août 1932, lors de discussions avec le général von Schleicher et le chancelier von Papen, Hitler refusa catégoriquement le poste de vice-chancelier, provoquant ainsi une nouvelle crise politique ;

- après avoir finalement été appelé, comme chancelier, à former un premier gouvernement (30 janvier 1933), le Führer annonça dans sa première intervention d'homme d'État :

 

Le gouvernement national veut réaliser la grande œuvre de la réorganisation de l'économie nationale d'après deux grands plans quadriennaux : le premier, pour sauver le paysan allemand de façon à conserver la nourriture et par suite la vie de la nation allemande ; le second pour sauver l'ouvrier allemand par une attaque violente et massive contre le chômage.

Durant quatorze ans, les « partis novembriens » [= issus de la révolution de novembre 1918] ont ruiné la profession agricole de l'Allemagne. Durant quatorze ans, ils ont créé une armée de millions de chômeurs.

Avec une énergie de fer et avec une endurance tenace, le gouvernement national réalisera le plan suivant : dans quatre ans, le paysan allemand devra être arraché à la misère ; dans quatre ans, le chômage devra être définitivement vaincu.

Les conditions de relèvement des autres parties de l'économie se réaliseront parallèlement[48].

 

Hitler terminait ainsi : « Peuple allemand, donne-nous quatre ans, et juge-nous alors », ce qui annonçait clairement la volonté de rester coûte que coûte au pouvoir pendant quatre ans, sans être gêné ni par les institutions, ni par l'opposition. Le lendemain, d'ailleurs, les Hamburger Nachrichten déclarèrent :

 

Ceux qui ne voudront pas s'y rallier [au projet de relèvement national] ne participeront pas non plus à la reconstruction du Reich et demeureront à l'écart pendant quatre années. Mais ils ne doivent pas s'imaginer qu'ils pourront gêner l'œuvre du gouvernement[49].

 

Treize ans plus tard, à Nuremberg, H. Göring le confirma sans ambages. Interrogé par son avocat, il déclara le plus simplement du monde :

 

Il va de soi que, pour nous, si nous obtenions le pouvoir, nous étions décidés à le garder dans tous les cas et à tout prix. Nous ne voulions pas le gouvernement pour le pouvoir lui-même, mais nous voulions le gouvernement et le pouvoir pour libérer l'Allemagne et la rendre grande. Nous ne voulions plus laisser cela au seul jeu du hasard, des élections et des majorités parlementaires, mais nous voulions mener à bien cette tâche pour laquelle nous considérions que nous avions été appelés [TMI, IX, 273].

 

Le danger bolcheviste

 

 

Seulement, il était peu probable que l'autre force montante dans le Reich, le parti communiste, acceptât cette situation. On se souvient que, commentant les résultats des élections au Reichstag du 31 juillet 1932, la Deutsche Tageszeitung avait qualifié « la forte pression des communistes » de « phénomène dangereux pour l'État lui-même ». Le quotidien savait en effet que, fidèle à son habitude, le parti communiste se tenait prêt pour un soulèvement révolutionnaire.

 

Les mois précédents l'avaient encore démontré. Fin 1931, peu après des désordres sanglants survenus en Saxe, une information avait circulé selon laquelle la police avait découvert des dépôts d'armes et fermé une école rouge préparant à la guerre civile. Sans attendre, le Comité central du parti communiste avait publié un communiqué dans lequel il affirmait réprouver le terrorisme politique. Mais cette protestation n'avait convaincu personne. Le 14 novembre 1931, un quotidien « modéré » comme la Germania avait écrit :

 

Nous estimons que les déclarations platoniques de ce genre ne signifient pas grand chose et qu'elles ne suffisent à « légaliser » un parti politique capable d'actes de terrorisme.

 

Trois jours plus tard, lors d'une conférence entre les ministres de l'Intérieur des différents États, le général Grœner, avait « appelé spécialement l'attention sur les tentatives du parti communiste pour désagréger la police et l'armée »[50].

 

Le 19 avril 1932, des descentes furent opérées au siège de toutes les organisations communistes. Deux jours plus tard, la Police annonça dans un communiqué que ces perquisitions avaient permis de démontrer la survivance illicite d'organisations rouges de combat dissoutes depuis plusieurs années, comme le Front rouge ou le Front des jeunesses communistes (Jungfront)[51].

 

Le 9 juillet 1932, la Cour suprême de Leipzig condamna treize communistes à des peines allant jusqu'à huit ans de travaux forcés pour complot contre la sûreté de l'État et détention illégale d'explosifs.

 

Peu après, le chancelier F. von Papen reçut des informations inquiétantes sur un projet d' « action concertée du service de police du ministère de l'Intérieur de Prusse et des communistes » (TMI, XVI, 263). Preuve que les réseaux à la solde de Moscou avaient pénétré très haut dans les rouages étatiques.

 

Il était donc à craindre qu'à la faveur d'événements imprévus, les rouges, forts de leurs organisations souterraines et se sachant soutenus par une partie de la population, tenteraient de renverser le nouveau régime, véhicule d'une idéologie dont ils avaient juré la mort depuis plus de dix ans.

 

Les rouges luttent contre les nationaux-socialistes depuis des années

 

 

Rappelons en effet que, dès le début, les troupes de choc communistes voulurent écraser le national-socialisme. Dans Mein Kampf, le chapitre VII du tome II est intitulé : « La lutte contre le front rouge ». Hitler y raconte les premières tentatives des rouges, à partir de 1919, pour étouffer un mouvement naissant dont ils avaient tout de suite flairé le danger. Il écrit notamment :

 

Les réunions nationales-socialistes […] n'étaient pas des réunions « paisibles ». Ici, les vagues de deux conceptions de vie s'entrechoquaient, et elles ne finissaient pas par de fades déclamations de chants patriotiques, mais par une éruption fanatique de passion raciste et nationale.

[…] nos discours n'étaient pas un bavardage impuissant de « conférenciers » bourgeois, ils étaient, par leur sujet et par leur forme, faits pour provoquer la riposte de l'adversaire. Et il y eut des adversaires dans nos réunions ! Bien souvent ils venaient en foules compactes, encadrant quelques démagogues, et leurs visages reflétaient cette conviction : « Aujourd'hui, nous allons en finir avec vous ! »

Oui, bien souvent, ils ont été amenés chez nous en véritables colonnes, nos amis du parti communiste, avec le mandat bien inculqué d'avance de casser ce soir-là toute la boutique et d'en finir avec toute cette histoire. Et combien, souvent, tout ne tint qu'à un fil, et seule l'énergie sans borne de notre bureau et la combativité brutale de notre propre police de salle purent encore une fois contrecarrer les desseins de nos adversaires.

Et ils avaient raison d'être excités contre nous.

Rien que la couleur rouge de nos affiches les attirait dans nos salles de réunion[52].

 

Plus loin, Hitler raconte la mémorable réunion du 4 novembre 1921, que les communistes avaient choisie pour régler définitivement son compte à l'adversaire. Plusieurs centaines d'entre eux étaient là. Sur un signal convenu, alors que la réunion se déroulait normalement, ils se ruèrent à l'assaut :

 

En peu de secondes, la salle fut remplie d'une masse humaine hurlante, au-dessus de laquelle, pareilles aux décharges des obusiers, volaient d'innombrables cruches ; tout autour, le craquement des pieds de chaise, l'écrasement des cruches, des hurlements, des beuglements, des cris stridents, c'était un vacarme infernal [Ibid., p. 502].

 

Les SA qui assuraient le service d'ordre contre-attaquèrent avec fureur. La bagarre dura vingt-cinq minutes et, après une fusillade, les adversaires furent finalement expulsés :

 

Vingt-cinq minutes à peu près s'étaient écoulées ; il semblait qu'un grenade eût éclaté dans la salle. On pansait beaucoup de mes partisans ; d'autres durent être emmenés en voiture, mais nous étions maîtres de la situation [Ibid., p. 503].

 

[FONT=Bookman Old Style]Bien que cette victoire ait permis de gagner un répit d'environ deux ans[53], la lutte acharnée recommença dès la fin de l'année 1923.

 

Dans sa livraison du 8 novembre 1931, le Völkischer Beobachter annonça que, depuis 1923, et abstraction faite du soulèvement de Munich, 91 militants nationaux-socialistes avaient été tués dans des bagarres de rue. Quelques jours plus tard, cet organe parla de 14 morts et de plus de 200 blessés rien que pour le mois d'octobre qui venait de s'écouler[54]. Le 17 juillet 1932, des batailles rangées entre nationaux-socialistes et communistes à Altona, à Hambourg et dans d'autres localités firent 19 morts et 285 blessés[55]. Du 1er juin au 20 juillet, 322 incidents et rixes politiques survinrent en Prusse (Berlin excepté), faisant 72 tués et 497 blessés (Ibid., col. 384) (

 

L'attentat « symbolique » du 30 janvier 1933

 

 

Dans la nuit du 30 au 31 janvier 1933, des rouges se rendirent coupables d'un attentat « symbolique » qui marquait leur détermination : il assassinèrent l'agent de police Zaunitz et le commandant de la 33ème compagnie d'assaut de Berlin Maïkowicz qui revenaient du « défilé de la victoire ». Les deux victimes furent inhumées le 5 février suivant ; un immense cortège suivit les cercueils, dans lequel figurait l'ex-kronprinz Wilhelm[56]. En guise de réponse, Hitler annonça dans son intervention du 1er février 1933 :

 

[Le gouvernement national] mènera […] une guerre impitoyable contre les tendances nihilistes dans le domaine moral, politique et culturel. L'Allemagne ne doit pas s'effondrer et ne s'effondrera pas dans le communisme anarchique[57].

 

Pour les nationaux-socialistes, dont le pouvoir était encore faible (beaucoup pensaient qu'ils ne tiendraient pas plus de quelques semaines…), le danger était donc réel de voir les rouges tenter un soulèvement révolutionnaire à la faveur d'une crise quelconque. Dès le 16 février, d'ailleurs, un quotidien peu suspect de fanatisme, les Hamburger Nachrichten, avait écrit :

 

L'agglomération de grandes masses d'hommes que l'on rencontre dans les grandes villes et dans les régions industrielles exige, au point de vue de la sûreté de l'État, des organisations de police particulièrement promptes à intervenir. La lutte contre un danger menaçant pour l'État, tel que le bolchevisme, ne peut être abandonnée aux polices locales, mais doit être placée dans une seule main[58].

 

Les appels étaient d'autant plus pressants qu'à l'époque, l'armée et la police allemandes étaient si faibles qu'on les savait incapables de maintenir l'ordre en cas de troubles et de guerre civile. Le 24 novembre 1932, lors d'une conversation avec F. von Papen sur les mesures à prendre en cas de soulèvement populaire, von Schleicher avait fait venir un officier de l'état-major général. D'après ce dernier :

 

le cas [d'une révolution] avait été examiné sur le plan pratique et sur le plan théorique, et […] il s'était avéré que la Reichwehr et la Police n'étaient pas en mesure de maintenir l'ordre dans le pays [TMI, XVI, 273].

 

Voilà pourquoi quelques heures seulement après l'incendie du Reichstag (le 27 février 1933[59]), les nationaux-socialistes choisirent de frapper un grand coup : du 28 février au 5 mars, ils supprimèrent toute la presse communiste, quotidienne et périodique, et firent arrêter 5 000 meneurs communistes, dont leur chef Ernst Thälmann (ce qui n'empêcha pas 4,8 millions d'Allemands de voter communiste aux élections du 5 mars).

Et voilà pourquoi H. Göring tint à disposer d'une police secrète sûre. A Nuremberg, il aborda ce sujet sans aucune gêne. Après avoir rappelé l'existence d'une police politique sous Weimar, il précisa :

 

J'aurais […] pu mettre de nouveaux agents dans cette police politique et lui laisser sa vieille dénomination. Mais la situation était devenue différente du fait de la prise du pouvoir car, à l'époque, comme je l'ai déjà dit, le parti communiste était extraordinairement fort. Il avait plus de 6 millions d'électeurs et possédait dans ses unités du Front rouge un instrument de pouvoir révolutionnaire au premier chef. Il était très naturel pour le parti communiste de penser que si nous restions plus longtemps au pouvoir, il finirait par perdre le sien. Le danger était là. Il faut se reporter à cette époque de tension politique, d'atmosphère de conflits créée par les partis adverses ; tous cela pouvait mener à des attaques révolutionnaires du parti communiste, d'autant plus que, même après la prise du pouvoir, les meurtres et les assassinats politiques de nationaux-socialistes et d'agents de police ne cessèrent pas. Il s'accrurent même. Et les informations que je recevais étaient telles que je redoutais au plus haut point un mouvement soudain en ce sens. Je ne pouvais donc pas lutter contre ce danger, avec l'organisme tel qu'il existait. Je n'avais pas besoin d'une police sûre seulement dans les services centraux, mais également dans les différentes branches externes. Il me fallait aussi développer cet instrument. Pour déterminer dès le début que la tâche de la police était la sécurité de l'État, je l'appelai : Police secrète d'État et je créai au même moment différentes branches dans cette police […].

Je voulais également que cette police s'occupât exclusivement de la sécurité de l'État et de la surveillance des ennemis de l'État […]. Leur mission [celle des membres de cette police] consistait en premier lieu à mettre sur pied aussi vite que possible les moyens de sécurité contre toute action de la gauche. Je savais — ce qui fut confirmé plus tard — que la Maison des communistes à Berlin, le « Liebknecht-Haus » était extrêmement fortifiée et contenait beaucoup d'armes. Nous avons également découvert à ce moment des relations entre la Représentation commerciale russe et le parti communiste allemand. Bien que j'aie d'un coup arrêté des milliers de fonctionnaires communistes [référence à l'action qui se déroula du 28 février au 5 mars 1933] afin de parer dès le début au danger immédiat, le danger lui-même n'était en aucune façon conjuré. Il fallait agir contre le réseau des associations secrètes et les tenir constamment en observation ; pour cela, il fallait qu'une police fût spécialisée.

Le parti social-démocrate […] ne me semblait pas, de loin, aussi dangereux ; mais, évidemment, il était formé d'adversaires résolus de notre nouvel État. Certains de ses fonctionnaires étaient plus radicaux que d'autres. Les radicaux étaient également surveillés. Tandis que beaucoup d'anciens ministres ou fonctionnaires sociaux-démocrates étaient simplement révoqués et obtenaient une pension de retraite, sans avoir jamais été inquiétés, il y avait d'autres fonctionnaires du parti social-démocrate qu'il fallait surveiller très étroitement. C'est ainsi que la Police secrète d'État [Gestapo] a été créée par mes soins […] [TMI, IX, 279-280].

 

 

La Gestapo : une organisation défensive

 

 

On le voit, si les nationaux-socialistes s'empressèrent de créer la Gestapo, ce n'était pas pour imposer la terreur policière sur tout le pays : c'était avant tout pour se prémunir des adversaires politiques dont l'histoire récente avait montré les méthodes violentes. A Nuremberg, Karl Hoffmann, le rappela sans ambages. A la question : « Les tendances fondamentales de la Gestapo étaient-elles défensives ou agressives ?», il répondit sans hésiter : « Elles étaient uniquement défensives et nullement agressives » (TMI, XX, 171). Se souvenant de tous les soulèvements communistes survenus à partir de 1917 en Allemagne et ailleurs, le jeune État national-socialiste voulait avant tout se protéger…

 

75 000 agents de la Gestapo ? Des chiffres trompeurs

 

 

Je sais qu'ici, certains répondront : « Certes, mais il est bien connu que la meilleure défense, c'est l'attaque. Pour défendre l'État nazi, la Gestapo mit en place des réseaux de mouchards qui surveillaient constamment la population et qui firent régner la terreur »;

 

Ce sont les fameux « milliers d'agents de la Gestapo, dirigés par Himmler » qu'évoque le manuel scolaire pour classes de 3e cité plus haut.

 

80 % du personnel de la Gestapo ne participait pas aux enquêtes

 

 

Il est vrai que, d'après Me Merkel lui-même, la Gestapo fut composée de « 75 000 personnes pour la période de sa plus grande expansion » (TMI, XXI, 574). Ce nombre peut certes impressionner. Mais il faut relativiser. Car sur ces 75 000 membres, les fonctionnaires d'exécution entraient dans une proportion d'environ 20 % seulement, ce qui représentait 15 000 personnes (Id.). Cet ensemble comprenait : les fonctionnaires du service supérieur (à partir du Regierungsrat et du Kriminalrat) ; les fonctionnaires du service (à partir de l'inspecteur de police) et les fonctionnaire du service intermédiaire (à partir de l'assistant de police) (TMI, XXI, 534). Les autres membres de la Gestapo se répartissaient en trois groupes : personnel administratif (20 %) ; personnel auxiliaire technique (30 %) et personnel de bureau (30 %)[60]. On aurait donc tort de considérer la Gestapo comme un groupe uniquement composé d'enquêteurs, de traqueurs et de mouchards. En temps de paix, le plus gros du personnel (80 %) ne participait nullement aux tâches policières proprement dites. Il s'agissait de sténo-dactylos, de chauffeurs (TMI, XX, 144), d'ouvriers chargés de l'installation, de l'entretien et du service des installations téléphoniques et télégraphiques, de fonctionnaires de l'administration qui veillaient aux questions de personnel et aux questions économiques telles que projets budgétaires, logement, habillement, caisses et comptabilité (TMI, XXI, 534). A Nuremberg, ces gens furent exclus de l'Accusation sur la proposition du Ministère public lui-même[61].

 

Seuls 9 à 10 000 enquêteurs travaillaient sur les affaires politiques

 

 

Ajoutons à cela que les enquêteurs ne s'occupaient pas tous d'affaires politiques, car dès le début la Gestapo engloba la police du contre-espionnage et la police des frontières[62]. Les fonctionnaires du contre-espionnage enquêtaient « sur les cas de haute trahison qui, après examen, étaient dévolus sans exception aux tribunaux » (Id.). Il s'agissait d'un groupe très stable et très isolé des autres services, afin d'éviter toute fuite (TMI, XXI, 574). Quant à la police frontalière, elle :

 

exerçait le contrôle des passeports à la frontière, contrôlait aussi ce que l'on appelait la petite circulation le long de la frontière. Elle prêtait assistance à la police étrangère en recevant les personnes refoulées, etc. Cette police a également contribué à la lutte internationale contre les stupéfiants et procédé également à des enquêtes criminelles le long de la frontière, qui concernaient des personnes et également certains domaines [TMI, XX, 143].

 

Ensemble, le contre-espionnage et la surveillance des frontières employaient 5 à 6 000 personnes. Le nombre de fonctionnaires s'occupant d'affaires politiques au sens étroit du terme se montait donc à 9 ou 10 000, soit 13 % du total (TMI, XXI, 574). Or, rappelons qu'en 1937, l'Allemagne comptait environ 72 millions d'habitants (sans compter les Autrichiens). Il y avait donc un policier politique pour 7 200 personnes.

 

La Gestapo n'avait pas de réseau de surveillance

 

 

Par conséquent, il est complètement faux de dire que la Gestapo aurait mis en place un réseau étroit de surveillance du peuple tout entier. A Nuremberg, K. Best fut d'ailleurs formel :

 

Cela ne se passait pas, comme on l'a prétendu, et comme on le dit encore, comme si la Gestapo avait entretenu tout un réseau d'agents et de mouchards pour surveiller tout le peuple. C'eut été impossible, avec les effectifs peu nombreux de la Gestapo qui étaient employés constamment par les affaires courantes [TMI, XX, 141].

 

Le témoin expliqua que des services de renseignement furent mis en place uniquement « dans les cas où l'on supposait l'existence de groupes organisés, comme le parti communiste par exemple, ou bien [comme] les services de renseignement de l'ennemi qui travaillaient dans un but d'espionnage » (TMI, XX, 141). Cette surveillance comprenait également des écoutes téléphoniques[63]. Hormis ces cas, la Gestapo n'avait pas de service de renseignement. Elle n'en avait pas, en particulier, qui aurait couvert tout le territoire. Ses services travaillaient uniquement sur la base de dénonciations reçues directement ou communiquées par d'autres services de police. Et neuf fois sur dix, aucune suite n'était donnée à ces dénonciations[64].

Ces explications, soit dit en passant, s'accordent parfaitement avec ce que répondit H. Göring à Robert Jackson qui lui reprochait d'avoir supprimé « toute opposition individuelle » :

 

Lorsque cette opposition gênait sérieusement notre travail constructif, nous ne la tolérions naturellement pas. Lorsqu'il ne s'agissait que de bavardages inoffensifs, elle n'était pas prise en considération [TMI, IX, 447].

 

Gestapo et camps de concentration

 

La loi sur la « détention de protection »

 

 

A cela, on me répondra que par une loi du 28 février 1933, les autorités nationales-socialistes posèrent les bases juridiques de la « détention de protection », qui permettrait d'envoyer de simples suspects en camp de concentration (ce qui fut le cas pour des milliers de communistes). A Nuremberg, l'Acte d'accusation déclara :

 

Afin de protéger leur pouvoir contre toute attaque et de semer la crainte dans le cœur du peuple allemand, les conspirateurs nazis établirent et étendirent un système de terreur à l'égard de ceux qui s'opposaient au régime et de ceux que l'on soupçonnait de s'y opposer. Ils emprisonnèrent lesdites personnes sans procédure judiciaires, les plaçant en « détention de protection » et dans des camps de concentration [TMI, I, 34.].

 

Peu après, le procureur américain R. Jackson, lança :

 

Les camps de concentration en vinrent à parsemer la carte de l'Allemagne et à se compter par vingtaines [TMI, II, 137].

 

Ainsi présentait-il — faussement — l'Allemagne hitlérienne comme un pays peuplé de policiers qui auraient traqué, arrêté et interné sans autre forme de procès tous les citoyens déclarés suspects.

Qu'en fut-il réellement ? S'il est indéniable que la loi du 28 février 1933 a bel et bien été promulguée, écoutons tout d'abord Maître Merkel. Dans sa plaidoirie, il rappela :

 

En Allemagne […] la détention de protection existait avant 1933 ; à l'époque, les communistes et les nationaux-socialistes étaient écroués par la Police[65].

 

Les nationaux-socialistes n'avaient donc rien inventé.

 

Les camps ne sont pas une invention nationale-socialiste

 

 

La seule différence résidait dans le lieu de détention : avant 1933, les citoyens appréhendés étaient mis en prison ; après 1933, ils furent envoyés dans des camps. Pourquoi dans des camps ? Tout simplement parce que, en février 1933, les prisons ne purent être mises à la disposition d'H. Göring pour interner tous les responsables communistes qu'il allait faire arrêter[66]. Par conséquent, les nationaux-socialistes reprirent la vieille idée qui consistait à enfermer des populations réputées hostiles dans des camps de concentration. A Nuremberg, H. Göring lança :

 

je voudrais faire remarquer que le nom de camp de concentration n'a pas été inventé par nous ; il est apparu dans la presse étrangère ; nous n'avons fait que le reprendre [TMI, IX, 281].

 

C'était incontestablement vrai. Lors de la guerre de Boers, la presse française désigna les camps anglais où étaient parqués les femmes et les enfants boers sous le vocable : « camps de reconcentration ».

 

Dans un livre publié en 1921, l'ancien ministre de l'Intérieur français Louis Malvy écrivit le plus naturellement du monde :

 

nous avons décidé, le 15 septembre 1914, que les Austro-Allemands [résidant en France] seraient internés dans des camps de concentration. Au début d'octobre, leur nombre était de 35 000[67].

 

Rappelons enfin qu'à partir de 1923 :

 

Le Ministère de la Justice du Reich avait instauré des camps et prisons dans l'agglomération [de Papenburg] dans l'Emsland[68].

 

En ouvrant des camps, les nationaux-socialistes n'ont donc pas innové : ils avaient été précédés par les Anglais, les Français et les républicains de Weimar. Notons d'ailleurs qu'à la même époque, l'Autriche « démocrate » publia une ordonnance qui autorisait la « détention préventive » (Anhaltehaft) des adversaires politiques[69]. Ceux ci furent parqués dans divers camps de concentration, dont le plus connu était celui de Kaisersteinbruch. En 1946, E. Kaltenbrunner rappela :

 

A cette époque [1933-1934], le Gouvernement enfermait dans des camps, non seulement les nationaux-socialistes, mais aussi les sociaux-démocrates et les communistes pour éviter tous les désordres politiques qui provenaient de réunions ou de manifestations. J'étais parmi les quelques 1 800 nationaux-socialistes qui furent alors arrêtés [TMI, XI, 242].

 

Les membres de la Gestapo n'avaient pas le pouvoir d'envoyer un suspect en camp

 

 

Cela dit, venons-en au principal. Sous Hitler, n'importe quel agent de la Gestapo pouvait-il envoyer un suspect dans les camps ? Absolument pas ! Certes, l'article 1er de la loi du 28 février 1933 stipulait :

 

La détention de protection peut être ordonnée comme mesure coercitive de la Gestapo en vue de parer à toutes les intentions hostiles au peuple et à l'État contre les personnes qui mettent en danger par leur conduite l'existence et la sécurité du peuple et de l'État[70].

 

Cependant, on aurait tort de croire que tout agent pouvait prendre la décision. Comme l'a rappelé Me Merkel :

 

Les membres de la Police d'État s'occupaient uniquement de l'enquête. Après la conclusion des enquêtes, on vérifiait si les dossiers du Ministère public devaient être soumis ou si l'ordre de détention de protection devait être proposé [TMI, XXI, 547].

 

Au cas où la deuxième option était choisie, le dossier était envoyé au siège central à Berlin (devenu l'Amt IV du RSHA) qui seul pouvait prendre une décision (renvoi simple devant un tribunal ou placement en détention préventive). L'article 2 de la loi du 28 février 1933 stipulait :

 

Le service de la Gestapo [devenu plus tard l'Amt IV du RSHA à Berlin] est exclusivement compétent pour ordonner la détention de protection. Les propositions pour ordonner la détention de protection doivent être adressées au service de la Gestapo par les services de direction de la Police d'État ou simplement par les services de la Police d'État. Chaque proposition doit être motivée en détail[71].

 

Cet article de loi et tous les décrets d'application qui suivirent permirent d'éviter, autant que possible, l'arbitraire. Dans sa plaidoirie, Me Merkel souligna :

 

les nombreux ordres du RSHA prouvent qu'on a aspiré à une procédure de détention de protection réglée et légale et que l'arbitraire devait être exclu. Le règlement strict de la procédure de détention de protection n'a sûrement pas fait naître chez les fonctionnaires de la Gestapo l'impression qu'il s'agissait là d'une mesure arbitraire et contraire à la loi. Du reste, l'application de la détention de protection a été relativement rare [TMI, XXI, 548].

 

La preuve par les chiffres

 

 

Afin de prouver ses assertions, l'avocat rappela qu'en 1939, dans les camps, il y avait 20 000 détenus de protection, dont la moitié environ étaient des « politiques » ; les autres étant des détenus de droit commun (criminels, voleurs, violeurs… ; Id.).

 

A la même époque, sur les 300 000 personnes qui se trouvaient en prison, le dixième y était pour des délits dits politiques (Id.). On arrive à un total de (10 000 + 30 000 =) 40 000 détenus « politiques » sur une population totale d'environ 80 millions de personnes, c'est-à-dire 0,05 % de la population. Comme dictature, on fait mieux…

 

Allons plus loin en admettant que ces chiffres aient été sous-évalués. Multiplions-les arbitrairement par deux (+ 100 %). Supposons qu'en 1939, il y aurait eu 80 000 détenus politiques en Allemagne. Comparons cette estimation aux résultats officiels de plébiscite du 19 août 1934, lorsque la population allemande fut invitée à se prononcer sur la loi du 2 août 1934 qui fusionnait les pouvoirs du président du Reich avec ceux du chancelier. A l'époque, il y eut 4 294 654 votes « non » et 872 296 bulletins blancs ou nuls. Soit 5 166 950 personnes qualifiées de « réfractaires » au régime national-socialiste[72]. Jean Daluce ajoute que d'après les « nazis eux-mêmes », « un plébiscite sans pression et sans manœuvre où le vote secret aurait été intégralement respecté pouvait donner, pour l'ensemble du pays, de 30 à 40 % de NON au lieu de 12 % »[73]. Là encore admettons. On en déduit qu'en 1934, il y aurait eu non pas cinq, mais environ quinze millions de « réfractaires » au régime hitlérien.

 

Par conséquent, si, vraiment, les milliers d'agents de la Gestapo (policiers, mouchards…) avaient impitoyablement traqué et envoyé dans des camps les opposants, même individuels, les personnes détenues en 1939 dans les prisons et surtout dans les camps se seraient comptées par centaines de milliers, voire par millions (et dans ce cas, il aurait effectivement fallu des vingtaines de camps de concentration). Or, nous avons vu que même faisant subir aux chiffres officiels une augmentation de 100 % (ce qui n'est pas rien) on arrive à moins de 100 000 détenus « politiques ».

 

Il est donc totalement faux de prétendre que, sous Hitler, le simple fait d'avoir marqué son opposition au régime ou de l'avoir critiqué lors d'une discussion dans la rue vous aurait envoyé, sur ordre de la Gestapo toute puissante, dans un camp de concentration[74] (

 

Au sein du IIIe Reich, on pouvait être un opposant et rester libre ; tout ce que l'on vous demandait, c'était — comme dans tous les pays — de ne pas troubler l'ordre et de ne pas attenter à la sûreté de l'État. A Nuremberg, H. Göring déclara : « chacun savait que s'il entreprenait une action contre l'État, il finirait soit dans un camp de concentration, soit serait accusé de haute trahison et traduit devant un tribunal, selon la gravité de son acte » (TMI, IX, 453). L'ancien n° 2 du Régime parlait bien d'une « action » contre l'État ; il ne pouvait être question d'interner tous les bavards peuplant les cafés[/SIZE][75]…

 

La Gestapo n'était pas au-dessus des lois

 

 

Ajoutons à cela que, comme toutes les administrations, la Gestapo n'était pas au-dessus des lois. Des recours pouvaient être introduits contre ses méthodes. En 1935, un journal administratif du Reich écrivit :

 

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 30 novembre 1933 sur la Gestapo, les dispositions de la Police secrète d'État ne peuvent plus être attaquées conformément aux prescriptions de la loi sur l'administration de la Police. On ne peut le faire que par un recours par voie d'enquête[76].

 

On comprend donc Me Merkel qui, dans sa plaidoirie, souligna :

 

Ces tâches de la Gestapo étaient, quant à leur fond, les mêmes que celles de la Police politique avant 1933 et que celles de toute autre police politique à l'étranger. Ce qu'on entend par intentions mettant l'État en danger, dépend de la structure politique de chaque État [TMI, XXI, 538.].

[…] je crois pouvoir dire que les tâches et les méthodes de la Gestapo avant la guerre étaient la manifestation et l'expression d'une institution d'État existant dans tous les pays civilisés […]. Le fonctionnaire de la Gestapo remplissait son devoir comme il avait appris à le faire en sa qualité de fonctionnaire [Ibid., p. 570].

 

Avant 1939, de très nombreuses polices du monde entier ont collaboré avec la Gestapo

 

 

Lors des débats, l'avocat produisit deux déclarations sous serments (affidavit Gestapo n° 26 et n° 89) qui rappelaient qu'avant la guerre, de très nombreuses organisations de police étrangères avaient collaboré avec la Gestapo et que des délégations venues d'autres pays avaient effectué des stages dans ses locaux. Dans sa plaidoirie, il déclara avec bon sens :

 

Si les pays étrangers avaient été choqués par les buts poursuivis par la Gestapo, il n'eût pas été concevable que d'innombrables organisations de police étrangères travaillassent en collaboration directe et étroite, et non pas par l'intermédiaire de la diplomatie, avec la Gestapo allemande, et que des fonctionnaires de police étrangers eussent rendu visite à la Gestapo dans le but évident de prendre des leçons [TMI, XXI, 539-540].

 

Le Tribunal de Nuremberg donne raison à Me Merkel

 

 

Malgré toutes ses tentatives, l'Accusation fut incapable de détruire ces arguments. Si bien qu'au terme des débats, le Tribunal reconnut certes la Gestapo comme une organisation criminelle, mais seulement à partir du 1er septembre 1939. Dans le jugement, on lit :

 

[SIZE=3]Le Tribunal exclut donc, du groupe déclaré criminel, les personnes qui avaient cessé, avant le 1er septembre 1939, d'occuper les postes énumérés au paragraphe précédent[FONT=Bookman Old Style] [c'est-à-dire : « tous les fonctionnaires s'occupant des opérations de l'Amt IV du RSHA, ou faisant partie de l'administration de la Gestapo dans d'autres services du RSHA, ainsi que tous les fonctionnaires de la Gestapo locale, en fonction à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Allemagne, y compris les membres de la Police frontalière » ; TMI, I, 283.]

 

Preuve que le Tribunal ne considérait pas comme criminelles les activités de la Gestapo en temps de paix. On ne le répétera jamais assez : jusqu'en 1939, la Police secrète du Reich fut une police politique banale, comme il en existe dans tous les pays dits « civilisés ». Elle se contentait de poursuivre ceux qui mettaient activement en danger la sécurité de l'État. Sauf si l'on soupçonnait l'existence de réseaux clandestins armés ou de groupes d'espionnage, ses méthodes d'investigation étaient réduites ; sur dix dénonciations, neuf étaient jetées au panier…

 

Les raisons profondes d'une occultation

 

 

La décision des juges de Nuremberg est très rarement mentionnée avec exactitude. La plupart du temps, on se contente de dire que la Gestapo a été déclarée organisation criminelle, sans autre précision, comme si cette déclaration était valable pour la période juin 1933-septembre 1939. Par exemple, dans son ouvrage intitulé : Le Procès de Nuremberg, Arkadi Poltorak déclare qu'il ne faut pas sous-estimer :

 

la portée politique et juridique du verdict de Nuremberg, qui a déclaré criminelles des organisations de l'Allemagne hitlérienne comme le sommet du parti nazi (NSDAP), les SS, le SD, la GESTAPO[77].

 

Jean-Marc Varaut, pour sa part, évoque bien une restriction dans la condamnation, mais il la décrit ainsi :

 

[…] le tribunal exclut des groupements déclarés criminels — Gestapo, SS, SD et le corps des chefs du parti nazi […] — les personnes dont l'adhésion a été forcée et « celles qui ne savaient pas » que l'organisation servaient à commettre les actes déclarés criminels par l'article 6 du statut[78].

 

Sous un apparent souci d'exactitude, lui aussi cache soigneusement le fait que la Gestapo a été déclarée « organisation criminelle » seulement à partir du 1er septembre 1939.

Pourquoi cette occultation ? Parce que cette décision infirme une nouvelle fois la thèse selon laquelle les nationaux-socialistes auraient plongé l'Allemagne dans la terreur dès février 1933, interdisant au peuple allemand de revenir en arrière une fois qu'il aurait vu son erreur.

Certes, Hitler fut à la tête d'un régime totalitaire qui voulait travailler sans être gêné par les institutions et l'opposition ; certes, il frappa durement les meneurs communistes ; certes, le régime interna préventivement des personnes soupçonnées d'être des ennemis politiques. Mais comme d'habitude, on présente tous ces faits hors contexte. On « oublie » de décrire la situation politique de l'Allemagne en 1932 : la totale paralysie des institutions à cause de querelles de partis, la division du peuple victime de la lutte des classes, l'échec du parlementarisme, l'impossibilité de mener une œuvre de longue haleine. On « oublie » aussi de pointer du doigt le danger bolcheviste qui menaçait toujours davantage à mesure que s'aggravait la crise… En résumé, on « oublie » de dire qu'à cette époque, le salut de l'Allemagne nécessitait un traitement de choc. Il n'était plus question de replâtrer les murs, il fallait tout reconstruire sur des bases nouvelles, c'est-à-dire balayer Weimar, faire cesser les querelles politiciennes, unifier le peuple, écraser le front rouge et prendre les mesures nécessaires pour pouvoir mener une œuvre de redressement sur plusieurs années.

C'est ce qu'a réalisé Adolf Hitler. Dès le 1er février 1933, il annonça :

 

Paysans, ouvriers et bourgeois doivent tous ensemble fournir les éléments d'un nouvel empire.

Le gouvernement national considère comme son premier et suprême de voir de restaurer l'unité d'esprit et la volonté de notre nation […]. S'élevant au-dessus des professions et des classes, il redonnera à notre peuple la conscience de son unité nationale et politique et des devoirs qui en découlent […].

Nous, les hommes de ce gouvernement, nous sentons que notre responsabilité devant l'histoire allemande nous force à rétablir un organisme national ordonné et par conséquent à surmonter la folie de la lutte des classes.

Nous n'envisageons pas une seule profession, mais toute la nation allemande, les millions de paysans, de bourgeois et d'ouvriers qui tous ensemble, devant les détresses actuelles, vaincront ou tomberont[79].

 

A l'époque, cette déclaration fut raillée par la presse violemment hostile au national-socialisme. Dans sa livraison du 2 février, la Vossische Zeitung lança :

 

Cet appel verbeux et ampoulé est un produit et une preuve de l'embarras de Hitler. On ne parle pas ainsi lorsqu'on sait ce que l'on veut[80].

 

De son côté, le Vorwärts écrivit :

 

Certains ont cru qu'Adolf Hitler c'est le tournant, que dès qu'il serait chancelier tout irait mieux. Le voici devant eux, les mains vides, sans programme, sans mesure visible, et pour consoler, une promesse à échoir dans quatre ans. Quatre ans, quatre hivers. Quatre ans : cela veut dire : Ils ne savent rien, ils ne peuvent rien faire, ils ne servent à rien ! [Id.]

 

Mais à la vérité, en parlant ainsi, Hitler répondait au choix du peuple allemand. La presse plus objective ne put d'ailleurs contester qu'il avait derrière lui une grande partie du peuple. Le Lokal-Anzeiger (édition du 31 janvier au matin) constata : « Le nouveau cabinet à de grandes forces qui le suivent ». Plus nette encore, la Deutsche Zeitung souligna :

 

[…] jamais, depuis le crime de novembre [1918], un gouvernement n'a été en fonction qui ait joui, même approximativement, d'une autorité aussi grande, et qui ait eu en même temps des racines aussi profondes dans le peuple que le gouvernement nommé hier par Hindenburg[81].

 

En 1933, l'immense majorité du peuple allemand se souciait fort peu de la Constitution, des droits démocratiques ou des libertés individuelles. Car quand on vit dans un taudis sans le sou et avec le ventre vide, on se moque bien d'être « libre » (au sens révolutionnaire du mot). Ce que l'on réclame, c'est une société en ordre, une société qui offre un véritable avenir à ses enfants. Voilà pourquoi les premiers actes d'assainissement de la société entrepris par les nationaux-socialistes (y compris l'internement des principaux meneurs bolcheviste et l'ouverture du camp de Dachau) ne provoquèrent pas une révolution, bien au contraire. Aux élections du 5 mars 1933 pour le renouvellement du Reichstag, la plupart des partis enregistrèrent des résultats stables par rapport au mois de novembre 1932. Et si les communistes perdirent 1,1 million de voix, les nationaux-socialistes, eux, en gagnèrent… 5,5 millions, passant de 11,7 à 17,2 millions de suffrages, loin devant les socialistes (7,2 millions).

A ceux qui invoqueront une prétendue « terreur » exercée en Allemagne sur les citoyens, je rappellerai qu'à ces élections, les Allemands de l'étranger purent voter hors des frontières. Or, ces votes furent dans leur immense majorité très favorables à la NSDAP. Le 6 mars 1933, le Bayerischer Kurier insista sur le fait qu'en Allemagne du sud, l'important succès de la liste soutenue par Hitler avait été dû « à l'appoint des voix d'Allemands habitant les pays étrangers limitrophes »[82]. Mais il n'y avait pas que les pays limitrophes. En Espagne, par exemple, les Allemands de la colonie de Barcelone allèrent aux urnes sur le vapeur Helle. Sur les 746 qui s'y rendirent, 508 votèrent pour la liste nationale-socialiste, soit 68 %. Or, en Allemagne, cette liste recueillit 44 % des suffrages. Si, vraiment, un climat de « terreur » avait existé à l'intérieur des frontières afin d'influencer le résultat du vote, non seulement la liste soutenue par Hitler aurait dû obtenir 80 % dans le Reich (et non pas 44 %), mais aussi, elle aurait dû réaliser des scores minables à l'étranger…

 

Ajoutons enfin qu'à ces élections, le « Front Noir Blanc Rouge », officiellement allié à Hitler, gagna 150 000 voix environ, recueillant 3,1 millions de suffrages. En tout, donc, 20,4 millions de citoyens s'étaient reportés sur les partis de la vraie droite, soit près de 52 % des votants contre 41 % quatre mois plus tôt.

 

De façon évidente, les résultats des élections du 5 mars vinrent démontrer que la majorité du peuple allemand acceptait les mesures prises par le nouveau gouvernement, y compris les mesures d'exception contre les communistes. Là encore, d'ailleurs, la presse de l'époque ne put le contester. Dans son édition du 6 mars au soir, la Berliner Börsen-Zeitung écrivit :

 

La majorité du peuple allemand s'est prononcée pour le gouvernement Hitler-Papen et elle a donné son consentement à ce que ce gouvernement continue à marcher dans la voie où il s'était engagé dans les premières semaines de son existence, en prenant un certain nombre de mesures décisives pour lutter contre le marxisme[83].

 

De son côté, la Kreuz-Zeitung souligna :

 

La démocratie est battue par ses propres armes. Le peuple allemand a confirmé et continué d'en bas la révolution que M. von Papen avait commencé d'en haut. Ainsi la route de l'avenir se trouve tracée. Le gouvernement national ne fera pas à Weimar de droite […]. Il construira un État allemand original et vigoureux [Id.].

 

Même son de cloche à la Deutsche Tageszeitung qui affirma :

 

Une conséquence décisive de ce 5 mars, c'est que l'on peut enfin se déshabituer de penser d'une façon parlementaire. Le temps où l'on additionnait anxieusement les couvre-chefs des représentants du peuple, dans le vestiaire parlementaire, pour savoir si, dans chaque cas particulier, on obtiendrait péniblement une majorité ou si l'on ne l'obtiendrait pas, appartient définitivement au passé [Id.].

 

Citons enfin le journal protestant du Centre la Kölnische Zeitung qui souhaita bonne chance au nouveau gouvernement en déclarant :

 

Le temps des élections à perpétuité est passé et l'on peut souhaiter que le gouvernement réussisse à entamer l'œuvre de redressement national de l'Allemagne dans les quatre années dont il dispose [Id.].

 

Toutes ces citation démontrent que la révolution nationale-socialiste fut populaire et le resta, même après l'adoption des premières mesures « anti-démocratiques ». Car le peuple allemand savait que ces mesures étaient dictées non pas contre la masse, mais contre des individus qui, incapables de dépasser leurs préjugés idéologiques ou philosophiques, risquaient de gêner l'œuvre de rétablissement promise. Dans ce climat, la Gestapo fut un simple outil de protection de l'État contre des minorités agissantes. Elle n'eut ni à mettre en place un réseau national de surveillance, ni à envoyer des centaines de milliers d'individus dans des camps, ni à faire régner la terreur, pour la bonne et simple raison que l'immense majorité du peuple marchait volontairement derrière Hitler. D'où le fait qu'à Nuremberg, les juges renoncèrent à déclarer criminelle cette police avant 1939. C'était impossible, tant l'évidence criait contre les arguments fallacieux du Ministère public.

 

Tout cela, il faut cependant le cacher aux masses. Voilà pourquoi soixante ans après le verdict de Nuremberg, nos bateleurs publics continuent à occulter le fait qu'au terme du procès de Nuremberg, la Gestapo n'a pas été déclarée « organisation criminelle » pour la période du allant de 1933 à septembre 1939.

 

Date: Aug 2007

 

[1] Voy. F. Lebrun et V. Zanghellini, Histoire, terminales (éd. Belin, 1983), p. 13, col. B.

 

[2] Voy. J.-M. Lambin, histoire/géographie, 3e (éd. Hachette, 1989), p. 72.

 

[3] Voy. « Le train pour la mémoire et l'égalité, du 12 au 21 février 1999 » (plaquette éditée à l'initiative de la coordination PACA de SOS Racisme, 1999), p. 12.

 

[4] TMI, I, 28. Voy. également l'appendice B de l'acte d'accusation ; TMI, I, 85.

 

[5] Voy. Notre combat, n° 13, 15 décembre 1939, numéro intitulé : « La Gestapo : ses origines, ses chefs, son organisation », p. 1.

 

[6] Voy. le Bulletin périodique de la presse allemande, n° 407, 30 décembre 1931, pp. 24-25. Le papier avait été rédigé par un magistrat national-socialiste, le substitut Best ; il portait plusieurs signatures, dont celle du secrétaire du chef de la circonscription, Stavinoga. Notons toutefois qu'aucun haut dignitaire de la NSDAP ne l'avait paraphé. Immédiatement après sa découverte, H. Göring fit une démarche auprès du ministre de l'Intérieur pour lui dire que le Parti était respectueux de la légalité, qu'il n'avait pas été mis au courant de ce projet élaboré à Boxheim et qu'il le réprouvait.

 

[7] Pour toutes ces informations, voy. le Bulletin périodique…, n° 411, 15 avril 1932, pp. 14-15.

 

[8] « l'interdiction des SS [lire : SA] constituait une injustice manifeste de la part du Gouvernement Brüning. On avait interdit […] les SA, mais les formations en uniforme des socialistes et des communistes, à savoir le “Front rouge” et la “Bannière du Reich” n'avaient pas été interdites » (TMI, XVI, 259). Les sections d'assaut seront à nouveau autorisées par décret-loi le 17 juin 1932. Mais les gouvernements bavarois et badois maintiendront l'interdiction.

 

[9] Cette loi a été produite à Nuremberg sous la cote Gestapo-n° 7. Voy. TMI, XXI, 538.

 

[10] Voy. Notre Combat, déjà cité, p. 1.

 

[11] « TÉMOIN HOFFMANN. — Tout fonctionnaire qui entrait en service était apprécié du point de vue politique, et tout fonctionnaire qui obtenait de l'avancement subissait à nouveau cette appréciation » (TMI, XX, 183).

 

[12] « Dr MERKEL. — Tout ce personnel était-il volontaire ou non ? TÉMOIN HOFMANN. — Il s'agissait pour la plupart d'entre eux de fonctionnaires qui étaient entrés dans la Police avant 1933 et avaient été versés dans la Police d'État. Autant que je puisse m'en souvenir, il y avait tout au plus 10 % ou 15 % de volontaires qui fussent entrés après 1933 dans nos services » (TMI, XX, 173).

 

[13] « Dr MERKEL. — Est-ce que des gens venant du Parti, des SS ou des SA ont été utilisés ? TÉMOIN BEST. — Dans de faibles proportions seulement, étant donné que le service, dans ces services de police, n'était pas bien rétribué et n'était pas, par conséquent, très recherché » (TMI, XX, 139).

 

[14] TMI, XXI, 535. Pendant les années de guerre, des Waffen SS blessés qui ne pouvaient plus servir sur le front furent affectés à la Gestapo (TMI, XII, 55) ; je suppose qu'ils le furent également à des rangs inférieurs.

 

[15] Voy. le Bulletin périodique…, n° 421, 2 mars 1933, p. 17, col. A.

 

[16] « Dr MERKEL. — Est-ce que les fonctionnaires en service étaient éduqués du point de vue politique et subissaient une influence ? TÉMOIN BEST. — Non. Un plan de Himmler prévoyait, aux environs de 1939, que le service principal des races et de la colonisation des SS devait procéder à une formation idéologique de tous les services qui dépendaient de Himmler ; mais tant que j'ai été dans ce service, c'est-à-dire jusqu'en 1940, cela n'a pas été réalisé » (TMI, XX, 145).

 

[17] « Ils [les membres de la Gestapo] furent largement recrutés parmi les membres des SS et formés dans les écoles de SS et d[u] SD » (voy. l'acte d'accusation à Nuremberg, TMI, I, 85).

 

[18] « Mais, quant à l'incorporation, même à cette époque [après 1934], de ces éléments SS, ils devaient, quelles que fussent les circonstances, passer un examen. Ils devenaient fonctionnaires et le restaient » (déposition de H. Göring à Nuremberg, TMI, IX, 440).

 

[19] « Le motif de cette assimilation était le suivant : dans la Gestapo, le fonctionnariat professionnel avait été introduit et maintenu. Mais, en général, le Parti ne tenait pas particulièrement compte du passé politique ou non politique des fonctionnaires. Pour renforcer leur autorité lors de l'exécution de leurs tâches et précisément vis-à-vis des nationaux-socialistes, ils devaient porter l'uniforme […] » (TMI, XXI, 535).

 

[20] Voy. Schoenere Zukunft, 28 septembre 1930, article intitulé : « Zum Ausgang der deutschen Reichstagwahlen » (A propos des élections allemandes au Reichstag). Rappelons que ces élections avaient amené 107 nationaux-socialistes dans cette assemblée, contre 12 auparavant.

 

[21] En février 1931, le chômage avait atteint un sommet avec 4 972 000 demandeurs d'emploi. Depuis, le nombre avait décru pour arriver à 3 962 000 en juin 1931. Au 15 juillet, il atteint son niveau le plus bas : 3 956 000. Mais à partir de cette date, il remonta. Au 31 août 1931, on compterait 4 195 000 chômeurs (Voy. le Bulletin périodique…, n° 404, 28 septembre 1931, p. 24, col. A).

 

[22] Pour toutes ces informations et ces citations, voy. le Bulletin périodique…, n° 401, 17 juin 1931, pp. 12-15.

 

[23] Voy. le Bulletin périodique…, n° 404, 28 septembre 1931, p. 24, col. A.

 

[24] Voy. le Bulletin périodique…, n° 403, 20 août 1931, p. 18, col. A.

 

[25] Voy. la Documentation catholique, n° 595, 16 janvier 1932, col. 145.

 

[26] Voy. le Bulletin périodique…, n° 408, 25 janvier 1932, p. 8, col. A.

 

[27] « Il s'agissait, permettez-moi de caractériser la chose par ces mots, d'une suprême mobilisation de nos dernières réserves d'énergie » (TMI, XVI, 267).

 

[28] Voy. le Bulletin périodique…, n° 420, 30 janvier 1933, p. 17, col. B.

 

[29] Voy. la déclaration de Walter Funk à Nuremberg ; TMI, XIII, 89.

 

[30] Voy. le Bulletin périodique…, n° 420, 30 janvier 1933, p. 19, col. A.

 

[31] Voy. le Bulletin périodique…, n° 420, 30 janvier 1933, p. 19, col. B.

 

[32] Dixit les Münchner Neueste Nachrichten, livraison du 2 février 1933, cité dans le Bulletin périodique…, n° 421, 2 mars 1933, p. 18, col. A.

 

[33] Voy. Schoenere Zukunft, 5 octobre 1930, article intitulé : « Was nun in Berlin ? » (Que se passe-t-il à Berlin ?).

 

[34] Voy. la Documentation catholique, n° 558, 21 mars 1931, col. 704 et 705, note.

 

[35] Voy. la Documentation catholique, n° 596, 23 janvier 1932, col. 210-1.

 

[36] Voy. le Bulletin périodique…, n° 401, 17 juin 1931, p. 19. Notons que les nationaux-socialistes étaient quant à eux passés de 17 457 voix à 101 490.

 

[37] Voy. le Bulletin périodique…, n° 405, octobre 1931, p. 23, col. B. Les nationaux-socialistes avaient gagné 40 sièges, passant de 14 760 à 202 465 voix.

 

[38] Voy. le Bulletin périodique…, n° 406, 27 novembre 1931, p. 24.

 

[39] Voy. le Bulletin périodique…, n° 411, 25 avril 1932, p. 22. Les nationaux-socialistes avaient pour leur part gagné plus de 12 000 voix.

 

[40] Voy. le Bulletin périodique…, n° 412, 16 mai 1932, p. 24. Les nationaux-socialistes, quant à eux, avaient sextuplé leur nombre de voix, celui-ci passant de 203 115 à 1 270 602.

 

[41] Voy. le Bulletin périodique…, n° 412, 16 mai 1932, p. 21. Dans le même temps, les nationaux-socialistes avaient gagné 153 sièges, passant de 0,8 à 8 millions de voix.

 

[42] Ibid. p. 25. A ces élections, les nationaux-socialistes gagnèrent plus de 300 000 voix, passant de 20 432 à 328 188.

 

[43] Voy. le Bulletin périodique…, n° 415, 18 août 1932, p. 16.

 

[44] « Le centre adopte une attitude négative. Il désire un Gouvernement de majorité avec Hitler » (TMI, XVI, 269).

 

[45] Voy. le Bulletin périodique…, n° 415, 18 août 1932, p. 17, col. A.

 

[46] Voy. le Bulletin périodique…, n° 415, 18 août 1932, p. 18, col. A.

 

[47] Voy. Schoenere Zukunft, 28 septembre 1930, déjà cité.

 

[48] Voy. la « Déclaration du gouvernement national au peuple allemand », prononcée le 1er février 1933 par A. Hitler (reproduite intégralement dans la Documentation catholique, n° 656, 29 avril 1933, col. 1044).

 

[49] Voy. le Bulletin périodique…, n° 421, 2 mars 1933, p. 18, col. A.

 

[50] Voy. le Bulletin périodique…, n° 406, 27 novembre 1931, pp. 21-22.

 

[51] Voy. le Bulletin périodique…, n° 412, 16 mai 1932, p. 16, col. A.

 

[52] Voy. Adolf Hitler, Mein Kampf (Nouvelles Éditions Latine, conforme à l'édition de 1934), pp. 480-1.

 

[53] « Jusqu'à l'automne 1923, la Münchener Post [organe socialiste de Munich] ne nous menaça plus des “poings du prolétariat” » (A. Hitler, op. cit., p. 503).

 

[54] Voy. le Bulletin périodique…, n° 406, 27 novembre 1931, p. 21, col. B.

 

[55] Voy. la Documentation catholique, n° 624, 10 septembre 1932, col. 382.

 

[56] Voy. la Documentation catholique, n° 656, 29 avril 1933, col. 1040.

 

[57] Voy. la « Déclaration du gouvernement national… », déjà citée.

 

[58] Voy. le Bulletin périodique…, n° 421, 2 mars 1933, p. 23, col. B.

 

[59] L'incendie du Reichstag fut-il un attentat communiste ou, comme on le dit aujourd'hui, une provocation des nationaux-socialistes ? Faute d'avoir étudié en profondeur la question, je réserve ma réponse. Dans un camp comme dans l'autre, des arguments qui paraissent sérieux sont avancés…

 

[60] Voy. la déposition d'E. Kaltenbrunner, TMI, XI, 317. Certes, ces proportions varièrent, surtout pendant la guerre. En 1944, ainsi, les fonctionnaires d'exécution représentaient 40 à 45 % du personnel régulier (TMI, XXI, 534) ; mais à l'époque, la Gestapo ne comprenait plus que 30 000 personnes environ (TMI, IV, 355). Il y avait donc tout au plus 13 500 membres de l'exécutif, soit moins qu'avant la guerre.

 

[61] « Sur la proposition du Ministère public, le Tribunal n'englobe pas dans cette définition les personnes employées par la Gestapo uniquement à un travail de bureau, de sténographie, à titre de concierge ou à d'autres emplois similaires, en dehors des fonctions officielles » (jugement du 1er octobre 1946 ; TMI, I, 283).

 

[62] « En dehors de la police politique au sens étroit, il y avait la police du contre-espionnage, la police des frontières. » (déposition de K. Best à Nuremberg, TMI, XX, 143). Voy. également le doc. Gestapo-18 qui traite de la Police frontalière comme une branche de la Gestapo (TMI, XLII, 293-295).

 

[63] « j'avais fait installer un appareil technique qui […] surveillait les conversations des étrangers importants […]. Cet appareil surveillait de même les conversations téléphoniques faites à l'intérieur de l'Allemagne […] par des personnes qui, pour des raisons quelconques de nature politique ou ayant affaire avec la Police, devaient être surveillées» (déclaration d'H. Göring à Nuremberg, TMI, IX, 471).

 

[64] « Les dénonciations qui touchaient à certaines déclarations sur le plan politique parvenaient toujours à la police politique de l'extérieur. On ne les recherchait pas, car dans 90 % des cas, on ne pouvait rien entreprendre avec elles » (déclaration de K. Best à Nuremberg ; TMI, XX, 141).

 

[65] TMI, XXI, 549. Voy également les déclarations d'H. Göring : «[L'arrestation de protection] n'avait rien de nouveau et ce n'était pas une invention nationale-socialiste. De semblables mesures d'arrestation étaient pratiquées auparavant dans l'ancien Reich, en partie contre les communistes et en partie contre nous, les nationaux-socialistes » (TMI, IX, 280).

 

[66] « Les prisons n'étaient pas à notre disposition dans ce but » (déclaration d'H. Göring à Nuremberg ; TMI, IX, 280-1).

 

[67] Voy. L. Malvy, Mon Crime (éd. Flammarion, Paris, 1921), p. 43.

 

[68] Voy. le Catalogue alphabétique des camps de concentration et de travaux forcés assimilés et de leurs commandos et sous-commandos ayant existé en Allemagne pendant la guerre 1940-45 (éd. par le Ministère [belge] de la Santé publique et de la Famille, 1951), p. 308.

 

[69] « l'Autriche en 1933 a introduit la détention de protection sous le nom de Anhaltehaft et en usa abondamment contre les communistes, les nationaux-socialistes et les sociaux démocrates» (voy. la plaidoirie de Me Merkel : TMI, XXI, 549).

 

[70] Voy. le document Gestapo-36 à Nuremberg ; voy. également TMI, XXI, 547.

 

[71] Voy. le document Gestapo-36, déjà cité.

 

[72] « Plus de cinq millions de réfractaires en dépit de toute la pression officielle » (voy. Albert Rivaud, Le relèvement de l'Allemagne, 1918-1938 [Librairie Armand Colin, 1939], p. 243).

 

[73] Voy. J. Daluces, Le Troisième Reich (éd. André Martel, 1950), p. 138.

 

[74] Dans son réquisitoire introductif, un des substituts du procureur général américain à Nuremberg, le commandant Frank B. Wallis, osa déclarer : « Tout acte ou déclaration hostile au parti nazi fut considéré comme trahison et puni en conséquence » (TMI, II, 202).

 

[75] Certes, un article dans un journal réputé pouvait être considéré comme une action contre l'État ; le 14 juillet 1933, ainsi, un communiqué de presse annonça que, suite à la parution dans le New York Times d'un article injurieux pour l'Allemagne signé de l'émigré Scheidemann, la Gestapo « avait pris la mesure de défense qui s'imposait en faisant arrêter et transporter dans un camp de concentration cinq membres de la famille de Scheidemann qui résidait en Allemagne » (voy. le Bulletin périodique…, n° 427, 10 août 1933, p. 12, col. A). A ma connaissance, toutefois, de telles initiatives restèrent exceptionnelles.

 

[76] Doc. Gestapo-15, voy. TMI, XX, 302.

 

[77] Voy. A. Poltorak, Le Procès de Nuremberg (éd. du Progrès, Moscou, 1987), p. 375.

 

[78] Voy. Jean-Marc Varaut, Le procès de Nuremberg (Librairie académique Perrin, 1992), p. 382.

 

[79] Voy. la « Déclaration du gouvernement national », déjà citée.

 

[80] Voy. le Bulletin périodique…, n° 421, p. 18, col. B.

 

[81] Voy. le Bulletin périodique…, n° 421, p. 16, col. A.

 

[82] Voy. le Bulletin périodique…, n° 423, p. 8, col. A.

 

[83] Voy. le Bulletin périodique…, n° 423, 1er avril 1933, p. 2, col. A.