Jean-Luc Mélenchon s'incline, vaincu par ses contradictions.

Le 22 août 2014

Par Constant Gerardin.

Pouvait-il en être autrement pour un homme passionné et franc, contemplant - impuissant - l'indéniable faillite de ses idéaux ?

Il y a un mois, Jean-Luc Mélenchon annonçait sa mise en retrait volontaire du Parti de gauche. Aujourd'hui, il démissionne de la coprésidence. On pourrait s'arrêter au spectacle pitoyable d'un homme dévasté, prostré dans un silence édifiant depuis la déroute des élections européennes. Ce soir de mai, la neurasthénie avait remplacé chez le tribun l'intarissable faconde de jadis. Il est manifeste que Mélenchon ne s'est pas remis de cette cinglante désillusion.

Mais malgré ses errements, il demeure un homme honnête, pour qui les idées ont encore une valeur : au moins a-t-il la dignité de constater son échec et d'en tirer les conséquences. Car il est bien rare que le comportement d'un homme politique coïncide réellement avec ses convictions (et encore faut-il qu'il en ait).

Mais le succès du Front national, bien qu'il ait ébranlé toute la classe politique, a touché davantage encore le chef du Front de gauche. En effet, les deux Fronts revendiquaient concurremment des cibles bien précises : les jeunes et les ouvriers, « les petits, les obscurs, les sans-grade » pour reprendre la formule de Rostand. Or, c'est bien le parti de M. Le Pen, l'ennemi juré, qui récolte majoritairement les suffrages de ces néo-prolétaires, ravissant à la gauche ses accents populaires d'antan. Dès lors, c'est toute l'infrastructure idéologique de Jean-Luc Mélenchon qui est contredite.

Cette ligne politique ambitieuse repose sur l'alliance sociale du peuple français et des immigrés, présentés comme victimes conjointes du capitalisme. Sur ce magma liminaire viennent se greffer un internationalisme bienveillant, une douce liberté de mœurs et un écologisme candide. Que de chimères ! En effet, le Front de gauche lutte contre le capitalisme quand, parallèlement, il contribue à son triomphe. Car il est incontestable que la mondialisation, l'immigration et l'illimitation généralisées – toutes célébrées de manière compulsive par l'extrême gauche – creusent le lit du libéralisme autant que le MEDEF. Voilà la contradiction indépassable de Jean-Luc Mélenchon, « idiot utile » d'un système qu'il prétend abhorrer.

Logique défenseur de la décence commune, il accompagne pourtant – en bon progressiste crédule – les « avancées sociétales », et accélère ainsi la marchandisation du monde. Alors que le libéralisme croît sur le cadavre des peuples, il hâte leur destruction en s'attaquant à l'homogénéité culturelle et démographique de la France. Ainsi, n'est-il pas paradoxal de vitupérer les « patrons voyous » et de pourvoir concomitamment à leur armée industrielle de réserve ? « Le banquier, voilà l'ennemi. » Certes, mais comment combattre efficacement le capitalisme mondialisé sans pour autant pourfendre son stipendiaire inconscient, à savoir ce lumpen-prolétariat immigré qui ronge des pans entiers de notre territoire ? Les absurdités sont légion, les impasses qui en découlent sont insurmontables.

Ce que Mélenchon, cloîtré dans l'erreur, ne semble avoir compris, les Français l'ont parfaitement saisi. Dès lors, il n'est pas étonnant que leurs suffrages se portent vers le Front le plus radicalement engagé dans la lutte contre l'hydre libérale. Cette défection du peuple est, pour le tribun, un coup de grâce. Mais pouvait-il en être autrement pour un homme passionné et franc, contemplant – impuissant – l'indéniable faillite de ses idéaux ?

Source : 'Boulevard Voltaire'.

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