En Isère, le double meurtre de Sarah et Saïda résolu vingt ans après les faits.

LE MONDE | 26.07.2013

Par Patricia Jolly et Benoît Pavan

Le corps de Saïda Berch, 10 ans, étranglée avec son sweat-shirt, avait été retrouvé le 26 novembre 1996, gisant au bord d'un canal, à Voreppe (Isère).

C'est une infraction routière datant de décembre 2005 qui a fait basculer l'existence rangée de Georges Pouille . Jeudi 25 juillet, cet Isérois de 37 ans vivant en couple et père d'un enfant de 3 ans et demi, a été mis en examen pour "assassinat et tentative de viol" en 1991 sur Sarah Syad , 6 ans, et pour le "meurtre" en 1996 de Saïda Berch, 10 ans.

Il avait été interpellé mardi 23 juillet par les gendarmes de la section de recherche de Grenoble après que le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), dans lequel il figurait pour "conduite sous l'emprise de stupéfiants et défaut d'assurance" , s'est avéré correspondre en tout point aux résultats d'expertises génériques des scellés des deux crimes ordonnées en mars 2013, par la juge d'instruction Catherine Léger. "C'était l'expertise de la dernière chance. Nous en avons eu", a déclaré le procureur de Grenoble Jean-Yves Coquillat, jeudi, lors d'une conférence de presse.

Les deux crimes ont pour théâtre Voreppe, dans la banlieue de Grenoble. Le 16 avril 1991, Sarah Syad, 6 ans, disparaît de l'aire de jeu de la cité HLM de Bourg-Vieux où elle vit. Son corps portant des traces de strangulation est découvert le lendemain dans des taillis d'un bois situé à 300 mètres de son domicile. Les enquêteurs recueillent auprès du corps un emballage de mouchoirs en papier portant une empreinte de pouce et des traces de sperme sur le chemisier de la fillette, mais leur analyse ne révèle rien. Depuis, les progrès de la biologie moléculaire et le fichage de George Pouille ont permis que ces deux scellés livrent son empreinte génétique.

Le 24 novembre 1996, c'est Saïda Berch, 10 ans, qui s'évapore entre son domicile – une maison située en bordure d'une route nationale où elle vit avec sa mère et ses huit frères et sœurs – et un gymnase voisin. Elle est retrouvée morte deux jours plus tard à un kilomètre de chez elle, dans un canal, étranglée avec son sweat-shirt.

Jean-Yves Coquillat, procureur de Grenoble et François Rougier, colonel de la gendarmerie, lors d'une conférence de presse, à Grenoble, le 25 juillet.

A l'époque, il est impossible de relever de l'ADN en milieu humide. Propriétaire d'un VTT gris clair, comme le jeune homme que plusieurs autres témoins assurent avoir vu auprès de l'enfant peu avant sa disparition, Georges Pouille est entendu par les gendarmes. Il dément alors avoir vu Saïda.

L'information judiciaire est close en 1999, faute d'éléments probants, avant d'être rouverte en février 2006 après un rapprochement avec l'affaire Syad. Alors que 960 personnes ont été fichées durant les investigations, les empreintes de Georges Pouille, auditionné comme simple témoin, n'ont jamais été relevées.

Durant sa garde à vue dans le cadre de l'affaire Syad, Georges Pouille a juré "sur la tête de son fils" être étranger aux faits reprochés, avant d' offrir diverses versions, selon le procureur. Il a notamment raconté avoir découvert Sarah alors que deux hommes se tenaient devant son cadavre, et avoir palpé sa carotide pour vérifier si elle était encore en vie. Mais elle ne l'était plus. Puis, il a dit avoir rencontré l'enfant par hasard dans le bois et avoir eu "un coup de folie" . A la juge d'instruction, il a indiqué que "le diable était entré en [lui] ". Il aurait alors jeté la petite à terre et oublié ce qu'il avait fait précisément ensuite. Il a dit ensuite s'être masturbé au-dessus de l'enfant morte, mais n' avoir pas voulu la tuer .

"EXPERTISES PSYCHIATRIQUES"

Au sujet de l'affaire Berch, il a raconté que Saïda lui avait demandé de lui prêter son vélo – ce qu'il a fait –, avant de s'énerver lorsqu'elle a réitéré sa demande. Il l'aurait alors frappée à la tête, étranglée avec le sweat-shirt qu'elle portait, et déposée à proximité d'un canal. Sur la suite, il n'a guère de souvenir mais assure qu'il s'agissait d'un "accident" .

"Mon client ne reconnaît pas les infractions telles qu'elles sont qualifiées, a précisé au Monde M e Emmanuel Decombard , avocat de Georges Pouille. Il ne nie pas s'être trouvé sur les lieux, mais pour la première affaire, il a dit au juge qu'il était 'habité par le diable'. Et pour la deuxième, il assure que la fillette était vivante lorsqu'il est parti. J'ai demandé des expertises psychiatriques dont les résultats seront fondamentaux."

Durant toutes ces années, Georges Pouille n'a jamais quitté Voreppe. Atteint de la maladie de Steinert qui entraîne une dégénérescence des muscles, il boite, ne travaille plus et passe dans son voisinage pour n'être ni dangereux ni violent. "Il est très lourdement handicapé et se déplace très peu. Il a tué des enfants qui lui étaient proches et dont il connaissait la famille ", a déclaré M. Coquillat écartant ainsi le rapprochement avec d'autres affaires de meurtres de mineurs non résolues en Isère. Selon le parquet, Georges Pouille était un proche de certains frères des deux victimes et avait confié son fils en nourrice à la mère de l'une d'elles.

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