greek crisis

Le blog de Panagiotis Grigoriou.

Le piège.

samedi 28 septembre 2013

Carnet de notes d'un ethnologue en Grèce
Une analyse sociale journalière de la crise grecque


Notre histoire durablement immédiate s'accélère de mercredi noir en samedi obscur. Aucun répit. Depuis que “nos” ultimes pantins de “l'ordre nouveau” ont assassiné Pavlos Fyssas, c'était mercredi 18 septembre, et jusqu'à la journée de ce samedi 28 où, les députés de l'Aube dorée ont été mis en état d'arrestation, le temps a été bien court, trop court même. Les tenants de notre régime méta-démocratique, ceux-là mêmes qui ont violé à maintes reprises notre Constitution, offrant entre autres aux escrocs et spéculateurs internationaux et sur un plateau, le pays entier, se rebifferaient enfin contre les enfants nazillons du Pirée. Étrange... Depuis ce matin la Grèce est sous le choc, “ j'ai le pressentiment que le pire est imminent, quelque chose va alors se passer, tout devient trop grave et obscur ”, paroles du matin, d'un pêcheur amateur près du Pirée justement.

Ilias Panagiotaros député Aube dorée se livre à la Police. Athènes, le 28 septembre  


Ou sinon, c'est le grand et assourdissant silence qui prévaut et on ne parle pas à des inconnus. Les Grecs seraient alors devenus de nouveau méfiants, comme du temps des colonels et de leur droite si dure, et d'ailleurs si chère aux aubedoriens mais vraisemblablement aussi, à certains députés du parti d'Antonis Samaras, à l'époque en tout cas.

À Makis Voridis il y a certes un moment déjà, qui en d'autres (?) temps avait succédé à Nikos Mihaliolakos, actuel chef du parti de l'Aube dorée, au poste du secrétaire nationale de la jeunesse du parti d'extrême-droite EPEN, c'était dans les années 1980.   Juste pour la petite histoire, je précise ceci: EPEN, était un parti politique que l'ancien chef de la junte, l'ex-colonel Georgios Papadopoulos avait fondé et dirigé depuis sa prison.  

Ceux qui soutiennent les assassins de l'Aube dorée sont des ennemis du peuple ”. Athènes, le 27 septembre


Nous ne sommes pas de la dernière pluie et l'été grec s'éternise comme toujours en septembre. Nous ne n'oublions pas les gros titres des journaux “autorisés” du mémorandum d'il y a à peine quelques mois, tels “ Ta Nea ”, qui citaient alors allégrement la bonne parole d'en bas: “ Heureusement que l'Aube dorée est là ”, et que maintenant se déchainent contre les criminels de l'Aube dorée.  

Heureusement que l'Aube dorée est là ”. Quotidien “ Ta Nea ” du 4 février 2012


Certains grecs politiquement de gauche, à Syriza parfois et surtout du côté du nouveau parti “Plan-B” d'Alekos Alavanos et qui prône la sortie de la Grèce de la zone euro, estiment que le mouvement populaire anti-mémorandum et notamment sa gauche seraient en train de tomber dans un piège alors terrible: “ Les juges ont attendu des mois, voire des années avant d'ouvrir une enquête sur les crimes réels et avérés des néonazis grecs, et soudainement, en une petite nuit, une seule incitation de la part du ministre aura suffi pour mettre ainsi fin à une telle apraxie, et comme par miracle. De même, que pour ce qui est du responsable au dossier Aube dorée au sein des services de renseignement - EYP, finalement... il était plutôt compatissant et même le parent éloigné d'un de leurs cadres, alors il a été limogé, comme certains gradés de la Police. On croit découvrir un piètre film policier ou d'espionnage ! ”.

Nos... aveugles recouvrent la vue, nos boiteux marchent, nos lépreux sont nettoyés, les sourds entendent, les morts ne ressusciteront pas, et le mémorandum est annoncé aux pauvres. Voilà la Grèce ce samedi soir. Une de mes prises de vue, réalisée à partir d'une récente affiche largement depuis une semaine diffusée par une composante du parti d'extrême-gauche Antarsya, résume bien un certain le sens dans la situation du moment. “ Renversons le gouvernement du mémorandum qui couvre les assassins néonazis ”, et on y voit sur l'image de l'affiche, l'avion symbolique de la Troïka (UE, BCE et FMI), lancer ses bombes humaines aubedoriennes. C'est en agrandissant cette photo par la suite - en couverture de cet article - que j'ai découvert qu'à gauche, y figure également la silhouette d'une personne qui fouille dans une poubelle, vraissemblablement pour y trouver de la nourriture.  

Presse du 27 septembre, l'Aube dorée fait les gros titres


Le piège étant déjà, cette pseudo-légitimation soudaine du gouvernement, et du camp mémorandaire plus largement et pas qu'en Grèce, alors à “défendre la démocratie” et ainsi à décider du moment et des actes à punir. De la même manière, toute lutte contre le mémorandum peut après-demain être davantage criminalisée “car anti-démocratique”, et les partis qui lui seraient le vecteurs, tomber sous le coup de l'interdiction. Voilà à quoi peut encore servir l'Aube dorée, laquelle, aurait d'ailleurs été empêchée à devenir un parti politique représenté au “Parlement”, rien qu'en laissant les tribunaux instruire certaines affaires, déjà fort connues.

D'autant plus, que cette “automaticité” dans les sanctions, est appliquée par ceux, qui échappent toujours et encore à la justice du régime démocratique qui enfin ne l'est plus. Ils lui échappent lorsqu'il s'agit d'abord de violer la Constitution, de démolir tout droit du travail, de mettre en danger la vie de tout le monde ici, d'instaurer de manière délibérée une catastrophe sociale irréparable et ceci sur au moins deux décennies et dont la fascisation en accélérée des mentalités est mise en marche forcée car en “mode survie”, le tout évidemment, sous les ordres des “créanciers”. Ces mêmes “intouchables” du clientélisme et du népotisme, et qui auraient certainement commis d'autres crimes et délits, on se souviendra à ce propos de la dite “Liste Lagarde” de l'année dernière, depuis, la justice piétine.  

Sur une plage d'Attique, le 28 septembre


Tout cela est fort connu. Nous avons même le sentiment que cette “précipitation des justiciers” du gouvernement aurait été “suggérée” par Bruxelles ainsi que par les autres véritables “gérants” du pays, au moment même, où une phase critique, pour ne pas dire terminale dans le mémorandum serait en cours de préparation et d'administration. On n'entend en tout cas assez souvent cette analyse à Athènes depuis ce matin, pour peu que les gens s'expriment. Tel est (et facilement) d'ailleurs, le principal argument d'un certain nombre d'auditeurs et sympathisants de l'Aube dorée dont les massages enragés ont été médiatisés par les journalistes de la Radio Real-Fm dans l'après-midi.

Et à gauche, on ne dit pas autre chose... sauf que l'urgence d'un futur alors imminent prend nos gauches à la gorge. Pendant que la presse nous informe de manière très concise, que dans les prochaines heures, Antonis Samaras rencontrera son vice-président du Conseil, le pasokien Evangelos Venizélos... à New York, tous deux ils y sont pour de pourparlers et depuis nos radios du matin déjà, on pense savoir qu'Antonis Samaras rencontrera Christine Lagarde.   On supposera alors que nos nazillons locaux ne sont que de comparses et de seconds couteux dans l'histoire la plus présente du moment et du vaste monde, couteux certes toujours bien dangereux. Sur les plages d'Attique, très fréquentées ce samedi, certaines personnes plongeaient dans leurs journaux au point même d'oublier la baignade.  

La fête de la jeunesse Syriza, le 28 septembre


En bord de mer encore et près d'Athènes, les jeunes de Syriza préparent la fête annuelle du parti de la Gauche radicale. Les esprits sont pourtant ailleurs et au siège du parti, les réunions d'urgence se répètent ce soir, d'après mes informations en tout cas. “ Même tard, le gouvernement a accompli ce qui était déjà évident depuis toujours. En tout cas une page est déjà tournée dans la vie politique du pays. Sauf que la seule réponse au danger fasciste est le renversement de manière démocratique, de la barbarie du mémorandum. ”, précise-t-on dans un communiqué officiel de Syriza diffusé samedi soir. Du côté du KKE communiste le ton est sensiblement différent ce soir: “ Ouvrons les yeux et restons en alerte ”.  

Banderole à l'Académie. Athènes, le 27 septembre


Hier 27 septembre du côté de l'Université et de l'Académie d'Athènes, les discussions ne portaient pas sur l'Aube dorée, mais sur les listes des licenciements. Sur la banderole on pouvait lire: “ Non au démentiellement de l'Université ” et on sait que plus de 25.000 suppression de postes concerneront le secteur public d'ici 2014.

La Grèce est plus dubitative que jamais et pourtant, ce n'est pas rien que de... démanteler paraît-il l'Aube dorée. Mais rien n'est si sûr et surtout en ce moment.

Dans la série... les petites preuves qui en disent long, nos pêcheurs du samedi 28 septembre n'avaient aucunement envie de commenter l'actualité. Nos animaux adespotes non plus... et pour cause.  

Après la pêche, le 28 septembre



* Photo de couverture: Affiche antifasciste Antarsya. Athènes, le 27 septembre

 

Notre site