Tuerie d'Auriol: "30 ans après, j'aimerais que l'un d'eux parle!"

Publié mardi 19 juillet 2011

Dans la nuit du 18 au 19 juillet 1981, une famille était assassinée par le Sac. Marina Massié, seule survivante, témoigne.

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En 2006, Marina Massié écrit un livre. Elle dialoguera en 2007 avec Finochietti (de dos), libéré, et lui dira ses vérités.

Certains jours, Marina Massié se demande si elle n'a pas fait un mauvais rêve. Surtout, ces temps-ci. Voilà un anniversaire, le trentième, qui se profile et les nuits ne sont plus tout à fait les mêmes.

Les souvenirs non plus. Ils reviennent à la hâte, se font obsédants. Ils taraudent cette femme de 67 ans qui a tout enduré dans sa vie. La perte de son frère Jacques Massié , le fameux inspecteur de police assassiné dans la tuerie d'Auriol, celle de son compagnon Georges Ferrarini , celle de son neveu aussi, le petit Alexandre, 7 ans, mort poignardé.

Le temps des lourds secrets gaullistes
Au "Guinness book" de la mort en série, la tuerie d'Auriol, qui a fait six morts dans la nuit du 18 au 19 juillet 1981, fait figure d'épouvantail. C'était le temps des barbouzes, du Sac (Service d'action civique), des lourds secrets gaullistes, trop lourds à porter. Horreur du crime collectif.

"Je suis plus éprouvée que les autres années" , glisse Marina, d'un verbe cahoteux. Comme si un mot devait chasser un souvenir pour mieux le supplanter. Dans son salon du quartier des Caillols , les photos sont omniprésentes. Alexandre et son visage angélique. Jacques en motard de la police. Sans parler de Gilles, son fils qui s'en est allé, lui aussi, en 1991. Et des coupures de journaux partout. Couleur sépia. Preuve du temps qui passe et d'une tuerie qui reste.

Des questions qui restent en suspens
"Je prends de l'âge, je me dis qu'un jour je partirai et je pense que c'est la dernière fois que j'en parle…"
La tuerie d'Auriol et ce sombre commando de la mort ont habité sa vie. Toute sa vie. Trente ans après, elle a accepté de nous recevoir pour nous confier justement ses douleurs ressassées, ses interrogations aussi.

"Pour moi, c'est une deuxième mort. J'ai bien eu l'espoir de savoir un jour qui exactement avait donné l'ordre". En vain. Et puis, l'impensable, comme en juillet 2007, quand elle a croisé dans la rue, non loin de chez elle, Jean-Bruno Finochietti , l'instituteur de Malpassé condamné à 20 ans pour le meurtre de son frère et du petit Alexandre. "La Provence" avait relaté cette rencontre, raconté même leur terrible confrontation. Il y avait un zeste d'authenticité dans les mots de Finocchetti , une once de repentir. "Il ne s'est pas défilé. Il m'a aiguillée sur ce qui s'est réellement passé. Il a répondu à toutes mes questions. J'en ai su un peu plus." Mais pas tout. Espoirs un rien déçus.

"Si j'avais été à la bastide ce soir-là, c'est vous qui m'auriez tuée"
Mais quel événement ! C'est un peu comme si Yvan Colonna s'asseyait aujourd'hui à la même table que Mme Claude Erignac et acceptait de répondre à ses questions. Impensable. "Disons que je survis" , répète-t-elle d'une voix un peu lasse. Alors, parfois, Marina Massié prend son téléphone. Comme l'an dernier, pour joindre Finochietti le monstre. "J'ai eu une pulsion. Il fallait que je lui dise ce que j'avais sur le coeur : je vous souhaite de vivre cent ans… avec tous vos remords ! Il m'a répond u: pourquoi ne vous en prenez-vous donc pas aux autres ?" "Mais quand je l'interroge et que je lui demande : si je comprends bien, si j'avais été à la bastide ce soir-là, c'est vous qui m'auriez tuée, il me dit oui ! Il faut l'entendre ça, non ?"

Comment un commando a-t-il pu en venir à tuer une famille entière ? "Ils les ont fait descendre un à un dans la cuisine après les avoir attachés dans la chambre. À 20h, quand ils ont vu que mon frère ne rentrait pas, ils ont donné l'ordre. À 2heures, quand Jacques est rentré, ils lui sont tombés dessus.'Ah non! Pas toi!', lui aurait dit mon frère avant de mourir, s'adressant à Finochietti ."

"Ça vient d'en haut"
"Ils ont toujours dit : ça vient d'en haut! Ils étaient venus pour enlever Jacky (Jacques Massié ) et pour s'expliquer. Le rendez-vous a mal tourné. Massoni avait peur de Collard . Collard et Campana étaient les plus jusqu'au-boutistes. Ça a été sale leur façon de régler ce qu'ils appelaient "le problème" ! " Quelles pistes ? Massié suspecté de passer à l'ennemi, à gauche, avec ses infos confidentielles ? "Ils ont pris la mallette. On ne saura jamais ce qu'il y avait dedans ! Pourtant, je l'ai vue, moi, cette mallette. C'était comme une mallette de détective !" En ce temps-là, tous les fantasmes couraient sur la gauche. "Trente ans après, j'aimerais que l'un d'eux parle ! martèle Marina Massié . Avant, j'avais la haine. Aujourd'hui, c'est ma famille qui me manque. Alexandre aurait 37 ans…"

Les condamnés
Quatre ans après le massacre de la Douronne , les six auteurs ont été condamnés par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône.

- Jean-Joseph Maria, Lionel Collard et Ange Poletti ont écopé de la perpétuité

- Jean-Bruno Finochietti, le premier à avoir craqué et avoué

- Didier Campana de 20 ans

- Jean-François Massoni a été condamné à 15 ans.

Tous ont, depuis, recouvré la liberté. Pierre Debizet, le directeur du Sac, avait bénéficié d'un non-lieu. Il est décédé en 1996, tout comme Maria. Finochietti, après un passage à Marseille où nous avions pu le rencontrer, vivrait en Corse. Les autres se font oublier.

Denis TROSSERO

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